force obligatoire, obligation de renégocier, déséquilibre contractuel, 16/03/2004, AFJT, article 1134
« Pacta sunt servanda ». Littéralement « les pactes doivent être respectés ». Cette locution latine pose le principe de la force obligatoire des contrats repris par l'article 1134 du code civil selon lequel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
L'arrêt commenté est une illustration des problèmes que pose la force obligatoire à savoir : le juge doit-il ou non intervenir pour modifier les contrats déséquilibrés, et cette intervention doit-elle être précédé d'une renégociation.
En l'espèce, l'arrêt du 16 mars 2004 concernait les faits suivants : en 1974, la commune de Cluses a concédé à l'Association Foyer des jeunes travailleurs (AFJT) l'exploitation d'un restaurant à caractère social et d'entreprises. Le 15 octobre 1984, la commune, l'AFJT et la société Les Repas Parisiens (LRP) ont passé une convention tripartite pour une durée de 10 ans d'après laquelle l'AFJT sous-concède à la LRP l'exploitation du restaurant. En contrepartie d'importants travaux d'investissement émanant de la commune et de l'AFJT, la LRP s'est engagée à payer une redevance à cette première et un loyer annuel à cette dernière. Or le 31 mars 1989, la RLP a résilié unilatéralement la convention au motif qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de poursuivre l'exploitation. L'ordonnance de référé du 25 avril 1989, sur demande de la commune et de l'AFJT, a condamné la LRP à poursuivre son exploitation. Le 31 juillet 1989, la LRP a tout de même cessé son activité. Cette dernière a par la suite saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande de résiliation de la convention et à défaut en dommages-intérêts. De leur côté, l'AFJT et la commune ont saisi le TGI de Bonneville pour obtenir l'allocation de dommages-intérêts, du fait de la résiliation unilatérale de la convention, pour les dégradations causées aux installations. Le Tribunal des conflits alors saisi d'un conflit positif a déclaré, le 17 février 1997, la juridiction judiciaire compétente. L'arrêt rendu en Cour d'appel de Chambery le 5 juin 2001 a condamné la LRP à payer les loyers et redevances dus puis une indemnité de résiliation unilatérale du contrat. De plus, la LRP est condamné à payer à la commune de Cluses les redevances dues et l'équivalent des travaux de remise en état des installations.
Par conséquent, la société LRP émet un pourvoi en cassation dans lequel elle reprochait aux juges du fond de ne pas avoir donné de base légale à leur décision au regard des articles 1134 et 1147 du code civil. Ainsi, le pourvoi est fondé aux motifs que les parties sont tenues d'exécuter loyalement la convention en veillant à ce que son économie générale ne soit pas manifestement déséquilibrée. Enfin, il est invoquer que la cour d'appel n'a pas rechercher les raisons des contraintes économiques particulières ainsi que l'obligation de renégocier en découlant.
La cour de cassation se devait alors d'examiner le déséquilibre en question afin de percevoir le bouleversement économique apparu, et ci celui-ci nécessite réellement la modification du contrat par le juge.
La cour de cassation, dans un arrêt du 16 mars 2004, rejette le pourvoi, affirmant alors que le déséquilibre était apparent dès la conclusion du contrat. Il ne résulte donc pas d'un bouleversement économique apparu au cours de son exécution. La LRP n'étais alors pas fondé à effectuer son retrait unilatérale.
En étudiant cet arrêt, il est juste de se questionner sur la modification possible des contrats par le juge ainsi que sur l'obligation de renégocier. De plus, ce revirement posé ne vient-il pas contredire l'article 1334 ainsi que le principe de la permanence ? Est-ce à dire que les juges de Cassation acceptent aujourd'hui de prendre en compte la théorie de l'imprévision ?
L'intérêt de cet arrêt ne se réduit pas à la simple réaffirmation d'une solution émise auparavant par la chambre commerciale. La cour profite en effet de l'occasion pour apporter des précisions fondamentales sur le domaine de cette obligation fondée sur l'exigence de bonne foi. L'arrêt trace en effet la frontière entre ce qui relève de la liberté et de la responsabilité des contractants dans le processus contractuel et ce que ceux-ci sont en droit d'attendre du devoir de bonne foi que notre droit positif a réactivé depuis une trentaine d'années. Enfin, cette décision présente un intérêt en raison de la tentative de la société demanderesse de tourner l'impossibilité d'appliquer à un contrat de droit privé la théorie de l'imprévision en faisant appel au courant doctrinal dit du solidarisme contractuel.
Ainsi, il est perceptible que la cour de cassation rappelle que l'équilibre des stipulations et des prestations contractuelles, est en principe, l'affaire des contractants, meilleur juges de leurs intérêts, qui, parce qu'ils le déterminent librement, doivent ensuite en assumer la responsabilité.
[...] Ainsi, il est perceptible que la cour de cassation rappelle que l'équilibre des stipulations et des prestations contractuelles, est en principe, l'affaire des contractants, meilleur juges de leurs intérêts, qui, parce qu'ils le déterminent librement, doivent ensuite en assumer la responsabilité. Il conviendra donc d'étudier dans une première partie le principe de l'obligation de négocier en en déterminant dans une seconde son domaine (II). I. Le principe de l'obligation de renégociation. Nous verrons dans cette première partie que le principe repris par l'arrêt de 2004 n'est pourtant pas moderne. [...]
[...] Un revirement de jurisprudence de la cour de cassation est-il alors souhaitable ? L'avant-projet Catala met en avant par exemple, la nécessité d'insérer une clause de renégociation dans les contrats (indexation, échelle mobile). De plus, l'avant-projet émet la possibilité pour le juge, sous demande de la partie dominé, d'ordonner une nouvelle négociation. Les projets Terré (art 92) et de la Chancellerie (art 136) vont jusqu'à permettre au juge de réviser lui-même le contrat en cas d'échec de la renégociation. Il est possible par la suite de percevoir cette solution novatrice dans son contenu comme conforme au droit contractuel européen et international L'étendue européenne du principe. [...]
[...] En étudiant cet arrêt, il est juste de se questionner sur la modification possible des contrats par le juge ainsi que sur l'obligation de renégocier. De plus, ce revirement posé ne vient-il pas contredire l'article 1334 ainsi que le principe de la permanence ? Est-ce à dire que les juges de Cassation acceptent aujourd'hui de prendre en compte la théorie de l'imprévision ? L'intérêt de cet arrêt ne se réduit pas à la simple réaffirmation d'une solution émise auparavant par la chambre commerciale. [...]
[...] En contrepartie d'importants travaux d'investissement émanant de la commune et de l'AFJT, la LRP s'est engagée à payer une redevance à cette première et un loyer annuel à cette dernière. Or le 31 mars 1989, la RLP a résilié unilatéralement la convention au motif qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de poursuivre l'exploitation. L'ordonnance de référé du 25 avril 1989, sur demande de la commune et de l'AFJT, a condamné la LRP à poursuivre son exploitation. Le 31 juillet 1989, la LRP a tout de même cessé son activité. [...]
[...] La cour de cassation pose une limite temporelle. En effet, la victime du déséquilibre contractuel ne peut s'en prévaloir que si celui-ci est intervenu au cours de l'exécution du contrat (et non de sa formation). Le devoir de bonne foi peut donc être mis en œuvre par un contractant en vue de tempérer le principe de l'intangibilité du contrat lorsque celui qui l'a conclu est devenu profondément déséquilibré au cours de son exécution, mais il n'est d'aucun secours pour le contractant victime d'un déséquilibre contractuel originel. [...]
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