Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 5 décembre 1995, régime probatoire de l'action paulienne
L'origine romaine de l'action paulienne est révélée par sa dénomination. La paternité est attribuée par les uns à un hypothétique prêteur Paul, par d'autres au jurisconsulte Paul, qui évoque cette action dans un passage du Digeste. Elle avait en droit romain des caractères sensiblement différents que ceux qui lui sont aujourd'hui reconnus. L'art 1167 du Code civil s'est contenté de reproduire le principe. Faute de théorie générale construite. La doctrine et la jurisprudence ont progressivement élaboré le régime de l'action paulienne. La haute juridiction de l'ordre judiciaire réunie en sa Première chambre civile a eu l'occasion d'en préciser les contours par un arrêt de cassation au visa de l'article 1167 du Code civil en date du 5 décembre 1995.
En l'espèce, une société a conclu un contrat de location d'un véhicule avec offre d'achat avec des particuliers. Cependant, il y eut des difficultés quant à l'exécution de cedit contrat. C'est pourquoi les parties ont conclu un accord le 2 aout 1990, en vertu duquel la société s'est rendue créancière des particuliers, par une sureté étant composée de biens du débiteur. La société créancière dont l'obligation n'avait toujours pas été exécutée a saisi le tribunal de grande instance de Cahors, pour faire valoir son droit. Le 7 mai 1991, son président a donné l'autorisation de prendre une inscription d'hypothèque sur les biens appartenant au débiteur et constituant la garantie de l'obligation. Néanmoins, les débiteurs on fait une donation à leur fils des biens et objets servant de garanties à l'obligation qu'ils ont envers la société créancière par acte notarié le 13 février 1991.
[...] En creux, il s'agit pout la cour de cassation de préciser sa jurisprudence sur le régime probatoire de l'action paulienne. La cour de cassation rend un arrêt de Cassation, elle casse la décision de la cour d'appel, en précisant les conditions de recevabilité de l'action Paulienne. Pour ce faire, la cour de cassation s'appuie sur le moyen du pourvoi et censure la cour d'appel qui a inversée la charge de la preuve sans raisons juridiques suffisantes. L'acte en cause n'est pas discuté, il s'agit d'un acte de nature patrimoniale attaquable par voie paulienne. [...]
[...] La Cour de cassation, juge du droit applique les conditions à la lettre de recevabilité de l'action paulienne. Le créancier à la charge de la preuve. Cependant, la solution didactique et pédagogique de la haute juridiction n'en est pas moins critiquable ; la solution doit également reposer sur une appréciation des interets en conflit. La remise en cause d'une libéralité, en l'espèce la donation prive certes le bénéficiaire d'un gain qu'il pouvait croire définitivement acquis, mais ne lui inflige aucune perte, pendant que le créancier lésé par l'acte frauduleux quant à lui subit une perte réelle. [...]
[...] Le créancier est bien titulaire d'un droit d'hypothèque sur les biens de son débiteur. Cette autorisation est bien antérieure à l'acte litigieux de donation. Par conséquent les conditions posées par la cour de cassation sont bien remplies. Nombres d'exemples nous montrent que cet arrêt sinon fondateur, est du moins très important quant à l'évolution contemporaine de la jurisprudence de la cour de cassation sur le contentieux en la matière. Cet arrêt pose les bases d'une évolution remettant en cause les solides fondations d'un régime prétorien de l'action paulienne. [...]
[...] B : l'annonce d'une redéfinition du régime prétorien de l'action paulienne L'insolvabilité du débiteur doit être crée ou aggravée par un appauvrissement économique. Il doit exister un lien de causalité entre les deux sans quoi l'action paulienne n'est pas recevable. On s'aperçoit cependant que la jurisprudence ne respecte pas toujours un examen strict de ces trois conditions. Certains arrêts établissent une confusion entre l'insolvabilité du débiteur et son appauvrissement. La condition d'insolvabilité n'est pas nécessaire lorsque le créancier est titulaire de bien particulier sur le débiteur, du moins sur un bien du débiteur. [...]
[...] En l'espèce, la Cour de Cassation rappelle cette règle élémentaire de preuve. La cour de cassation assouplit donc la condition d'insolvabilité du débiteur ce qui favorise le créancier. Elle en déduit donc que l'insolvabilité du débiteur, qui est l'une des conditions de l'action paulienne, répond à une définition jurisprudentielle en rupture avec l'acception traditionnelle de la notion, au point qu'elle se trouve parfois précisée, substituée voire omise. Par cohérence, il aurait fallu que dans les cas où la démonstration de cette condition demeure requise, les exigences probatoires soient assouplies en faveur du créancier demandeur. [...]
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