Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 30 septembre 2010, rétroactivité en matière contractuelle
Cet arrêt de cassation rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 30 septembre 2010 est relatif à la déchéance du droit aux intérêts d'une banque pour mention d'un TEG erroné et absence d'un tableau d'amortissement conforme aux exigences légales.
Le 30 octobre 1991, la banque Le Hénin a consenti à M.Jardel, le débiteur, un prêt immobilier d'un montant de 152 449,02 euros remboursable en 144 mensualités au taux de 10,90 %, l'offre mentionnant un taux effectif global (TEG) de 11,86 %. A la suite du redressement judiciaire de M.Jardel, le Crédit Foncier de France, qui se trouve aux droits su prêteur, la banque Le Hénin, a déclaré sa créance. Le débiteur a alors sollicité la déchéance de droit aux intérêts de la banque pour mention d'un TEG erroné et absence d'un tableau d'amortissement comme il est exigé dans la loi.
En première instance, M. Jardel est le demandeur et la banque, le défendeur. Le jugement rendu par les juges du fond est inconnu puisqu'il n'est pas reproduit dans cet arrêt, mais il apparaît avoir été favorable au demandeur étant donné qu'il est notifié que l'arrêt de la Cour d'appel (déboutant le demandeur) est infirmatif.
[...] Cependant la Cour de cassation juge que cette utilisation rétroactive de la loi répond à un motif impérieux d ‘intérêt général et par conséquent casse l'arrêt de la CA. La rétroactivité de la loi de 1996, validant les contrats de prêt dépourvus de tableaux d'amortissement pose aussi la question de la conformité à un autre article de la CEDH ; l'article 1er du Premier protocole additionnel de la CEDH. Dans l'affaire Le Carpentier et autres c. France (14 février 2006) la CEDH déclare que l'application rétroactive de la loi de 1996, prévue pour éviter un péril pour le secteur bancaire et l'activité économique en général, est contraire au premier article du Premier Protocole. [...]
[...] La Cour européenne estime que ces dispositions à portée rétroactive sont contraires au principe de la prééminence du droit et à la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la CEDH. Le seul motif valable à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice étant un motif impérieux d ‘intérêt général. Or selon la CEDH, les divergences de jurisprudence et le risque financier ne représentent pas des motifs impérieux d'intérêt général. On retrouve cet argument dans le jugement rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 29 avril 2003. [...]
[...] C'est donc M.Jardel qui forme le pourvoi en cassation, suite à l'arrêt de la Cour d'Appel. Sur le moyen unique pris en première branche, le motif invoqué par le plaignant pour former le pourvoi est la violation de l'article 1er du Premier Protocole additionnel de la Convention Européenne des droits de l'homme (DDHC) et des libertés fondamentales. Ainsi le demandeur affirme que la Cour d'Appel en faisant une application rétroactive de la loi de 1996, est venue porter atteinte au droit au respect de ses biens (établi dans l'article 1er du Premier Protocole) puisqu'il pouvait par application du droit en vigueur lors de la remise de l'offre de crédit légitimement espérer être investi d'une créance en raison de la déchéance de la banque de son droit aux intérêts. [...]
[...] En effet dans son arrêt de 2003, la Cour a estimé que la loi de 1996 n'était pas contraire à la CEDH puisqu'il y avait un motif impérieux d'intérêt général. Le motif invoqué étant d'ailleurs similaire à celui que la CEDH avait rejeté en 1999 dans l'arrêt Zielinski. Quant à la violation du droit eu respect aux biens (reconnu par l'article 1er du Premier Protocole), la Cour de cassation considère que le grief n'est pas fondé étant donné que le bien : l'espérance du consommateur de bénéficier de la déchéance du droit aux intérêts était incertain et ne constituait donc pas une espérance légitime. [...]
[...] La loi de 1996 dispose le principe selon lequel les offres de prêt émises avant le 31 décembre 1994 sont réputées régulières au regard des dispositions relatives à l'échéancier des amortissements dès lors qu'elles ont indiqué le montant des échéances de remboursement du prêt, leur périodicité, leur nombre, ou la durée du prêt ainsi que le cas échéant les modalités de leur variations. Cette loi de 1996 s'applique aux situations lui étant antérieures puisqu'antérieures à 1994, la loi est donc d'application rétroactive. [...]
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