Commentaire, arrêt, première, chambre, civile, cour cassation, 27, février, 2007
L'erreur, disait Pothier, est « le plus grand vice des conventions ». On sent bien, cependant, par simple intuition, que toute erreur commise par un contractant ne doit pas permettre l'annulation du contrat. Précisément, l'alinéa 1er de l'article 1110 du Code civil ne retient, s'agissant de la chose, objet de la convention, que l'erreur sur la substance: le commerce des œuvres d'art et des antiquités, on le sait, en est le domaine d'élection. L'arrêt soumis à notre commentaire s'insère ainsi dans une longue série, avec un certain particularisme et, nous le croyons, des éléments novateurs.
Quels étaient les faits? En novembre 1998, lors d'une vente aux enchères publiques organisée par un commissaire-priseur assisté d'un expert, deux époux, M. et Mme X…, s'étaient porté acquéreurs d'une antiquité égyptienne: une statut de Sesostris III. L'objet était présenté au catalogue avec les mentions « granodiorite, Egypte, Moyen Empire (XIIème dynastie, 1878-1943 av. J-C) repolissage partiel (collection particulière, succession de M.H.E.) ».
Après la vente, les acquéreurs
[...] Or, les termes du décret, que reprend notre arrêt, sont formels. La décision peut paraître sévère, mais aura valeur d'exemple! Cette rigueur se prolonge: il n'est plus question de l'éventuelle faute du demandeur en nullité, du caractère éventuellement inexcusable de son erreur. Fin de l'erreur inexcusable ? Encore que l'article 1110 du Code civil ne retienne rien de tel, on sait que la jurisprudence estime aujourd'hui que la nullité pour erreur ne peut être obtenue que si le demandeur a commis une erreur excusable En d'autres termes, si la faute de l'errans, en contractant, est trop grossière, inexcusable il ne peut obtenir la nullité du contrat: il n'a pas perçu, en s'engageant ce que tout le monde aurait compris et ne peut donc se plaindre, dit on. [...]
[...] Mais la question de l'erreur commise par les acheteurs ne s'y pose pas de la manière la plus habituelle. C'est à cette occasion spéciale qu'en intégrant à la définition des qualités substantielles les précisions apportées par le décret du 3 mars 1981, la Cour de cassation amorce, peut on penser, un renouvellement de la matière. Particularismes: Les différents litiges qui mettent en jeu l'article 1110 du Code civil lorsqu'il s'agit d'œuvres ou d'objets d'art ont principalement pour origine une attribution erronée. [...]
[...] Il s'agit surtout de tableaux de maîtres. Pour les tribunaux, en ce cas, le contrat devient, en réalité, aléatoire et ne peut donc être annulé pour cette cause. Celui qui joue ne peut se plaindre de perdre. On ne peut que mentionner ici la célèbre affaire du Verrou (Le Baiser Volé), vendu comme simplement attribué à Fragonard. Il fut reconnu que le tableau étant authentique et le vendeur ne put obtenir la nullité: il avait, peut on avancer, vendu une chance C'est dire que le dénomination de l'objet (notamment dans le catalogue) sera déterminante. [...]
[...] Bien sûr, on admet facilement en jurisprudence que la qualité substantielle d'une antiquité, vendue comme telle, est d'être antique, vendue comme telle, est d'être antique, d'époque M. de la Palice n'aurait pas dit mieux! Cependant, lorsque la question s'est posée devant les tribunaux, nous étions généralement en présence de véritables faux: la commode Louis XVI fabriquée (au mieux) au XIXème siècle , la statue égyptienne (déjà) dont l'expertise démontre qu'elle a été taillée avec des outils qui n'existaient pas alors. On tolère certes des réparations substantielles effectuées à une époque différente de celle annoncée. La définition de l'objet doit être exacte et correspondre à la réalité. [...]
[...] Les choses, peut on dire, sont claires: lorsque la dénomination de l'objet est uniquement et immédiatement suivie de la référence à une période historique, un siècle ou une époque la mention garantit l'acheteur que cette œuvre ou cet objet a été effectivement produit au cours de la période de référence Ce texte de nature répressive (peu utilisé, semble t il, au demeurant) a ainsi été intégré par la Cour de cassation à la définition de l'erreur sur la substance de l'article 1110 du Code civil, sanctionnée, quant à elle, par la nullité du contrat. Il en résulte une véritable objectivation de la matière. La Cour d'appel, on s'en souvient, avait rejeté la demande au motif que les époux X n'avaient pas prouvé que le doute sur l'authenticité aurait été tel que s'ils l'avaient connu ils n'auraient pas acheté. L'argument, tout subjectif, on l'admettra, est balayé par la Cour de cassation. [...]
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