Commentaire d'arrêt, première Chambre civile, Cour de cassation, 22 mai 2008, le préjudice né de la présomption de défectuosité d'un produit
Responsabilité civile et causalité sont indissociables : on ne saurait en effet, dans la logique de ce régime de responsabilité, obliger une personne à réparer un préjudice dans la réalisation duquel elle n'aurait pris aucune part. Si cette exigence d'un lien de causalité ressort clairement de certains textes du Code civil comme l'article 1382, il n'en reste pas moins que la notion et ses modalités restent disparates, disparité qui a obligé la jurisprudence à en préciser certains points.
L'arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 22 mai 2008 illustre parfaitement la position fluctuante de la jurisprudence sur la question, notamment dans le cadre du sujet controversé qu'a été la vaccination contre l'hépatite B. En l'espèce, Monsieur X avait déjà été atteint de paresthésie de la main gauche, et ses troubles ont connu une aggravation, probablement suite à trois injections d'un vaccin contre l'hépatite B. Un rappel est effectué en 1994, on lui diagnostique à cette période, une sclérose en plaques, et M. X et sa femme (consorts X) assignent en responsabilité du préjudice subi la société G, fabricante du vaccin.
L'imputabilité du vaccin dans l'aggravation de la maladie de M. X est retenue, mais les juges du fond rejettent la demande du couple aux motifs qu'au moment de sa mise en circulation, le vaccin présentait toutes les garanties de sécurité légitimement attendues par le grand public, puisqu'à cette époque il n'y avait pas de preuve d'un lien de causalité scientifiquement prouvé entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaques, maladie immune encore mal connue. Les consorts X se pourvoient en cassation.
[...] A l'aune de l'article 1382 du code civil, interprété a la lumière de la directive européenne sur la responsabilité des producteurs du fait des produits défectueux, la cour de cassation casse et annule la décision rendue par la cour d'appel, apportant à l'édifice jurisprudentiel une nouveauté concernant la preuve en matière de causalité. Ainsi, il convient d'étudier les conditions classiques de mise en œuvre de la responsabilité du fait des produits défectueux, conditions en l'espèce non réunies qui avaient motivé la décision de la cour d'appel pour pouvoir comprendre la solution de la cour de cassation, qui, pour la première fois, admet des présomptions en matière d'existence du lien de causalité I. [...]
[...] L'allégement de la charge de la preuve pour les victimes C'est le fait générateur même du dommage que ces présomptions prennent pour objet. La tâche probatoire de la victime est donc allégé, surtout du point de vue de la causalité, et ce, par un effet indirect. La faute du produit étant présumée, on considère donc comme acquis que cette défectuosité a un caractère anormal (puisque l'apparition d'une sclérose en plaque est spécifiée, en l'espèce, dans le Vidal, au titre d'effet indésirable), sans lequel la responsabilité du producteur ne serait pas justifiée, mais du même coup, on présume que ce fait explique la survenance du dommage. [...]
[...] L'appréciation de la cour d'appel est justifiée, en effet, le vaccin n'a eu d'effets indésirables que pour une très petite part des vaccinés, et, au regard de la majorité, il n'y a pas eu une épidémie justifiant la mise en cause du vaccin. La cour d'appel apprécie également la défectuosité au regard du moment de la présentation et de la mise en circulation du produit. L'ambiguïté de la décision de la cours d'appel réside surtout dans le fait qu'elle reconnait que c'est bien le vaccin Engerix B qui est responsable de l'aggravation de la maladie de Monsieur X. Elle ne condamne cependant pas la société, et ce, au regard de la preuve du lien de causalité, preuve qui fait, selon elle, défaut. [...]
[...] L'arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 22 mai 2008 illustre parfaitement la position fluctuante de la jurisprudence sur la question, notamment dans le cadre du sujet controversé qu'a été la vaccination contre l'hépatite B. En l'espèce, Monsieur X avait déjà été atteint de paresthésie de la main gauche, et ses troubles ont connu une aggravation, probablement suite à trois injections d'un vaccin contre l'hépatite B. Un rappel est effectué en 1994, on lui diagnostique à cette période, une sclérose en plaques, et M. [...]
[...] Et c'est dans le revirement opéré par celle-ci dans cet arrêt que réside tout l'intérêt et l'évolution. En cassant et annulant la décision de la cour d'appel, la cour de cassation décide en effet que si l'action en responsabilité du fait des produits défectueux exige la preuve du dommage, du défaut, et du lien de causalité entre le défaut et le dommage, une telle preuve peut être apportée par des présomptions si elles sont suffisamment précises et concordantes. II. La parade de la cour de cassation : l'admission d'une présomption de lien de causalité A. [...]
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