Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 16 mai 2000, bail du logement familial
« Les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie ». C'est ainsi que débute l'article 215 du Code civil, qui établit la communauté de vie comme « tant un des devoirs fondamentaux du mariage. Les époux ayant obligation de partager un même toit, il était donc logique que le législateur intervienne afin d'assurer la stabilité de ce logement “familial”. Ainsi avec le régime particulier prévu à l'alinéa 3 de l'article 215, le logement familial bénéficie d'une protection à l'égard des actes de disposition pris par un époux sans le consentement de l'autre. Cette protection n'est pas absolue, mais le législateur n'ayant pas dressé ses contours précis, la jurisprudence est donc intervenue régulièrement pour trancher certaines questions. Ainsi la Cour de cassation par son arrêt du 16 mai 2000 permet de répondre à deux interrogations que le texte avait suscitées à savoir : le bail portant sur le logement familial est-il un acte de disposition ? Et la protection de l'article 215 prend-elle fin à la fin de la vie commune ?
En l'espèce, il s'agissait d'un couple marié résidant dans une maison. Un jour l'épouse quitte la résidence familiale et introduit une requête en divorce. Quelques jours plus tard, l'époux qui n'occupait plus le domicile conjugal le donne en location pour une durée de 3 ans. La femme assigne alors son conjoint en annulation du contrat de bail, conclu sans son consentement, et ce en violation de l'article 215 (al 3).
La CA d'Aix-en-Provence rend un arrêt le 8 février 1996, par lequel elle donne raison à l'épouse en prononçant la nullité du contrat de bail consenti par l'époux seul, en violation des dispositions de l'art 215 (al 3).
[...] L'arrêt rendu par la 1ère chambre civile de la Ccass, le 10 mars 2004 en est un exemple assez clair. En l'espèce il s'agissait d'un couple en instance de divorce, instance durant laquelle le logement, dont l'époux était propriétaire, avait été attribué à l'épouse. Le mari avait modifié le contrat d'assurance, peu après quoi le logement avait été entièrement détruit dans un incendie. La Ccass a décidé de casser et d'annuler la décision de la CA en affirmant que le mari n'avait pas le pouvoir de résilier le contrat d'assurance sans le consentement de son épouse. [...]
[...] Le législateur a visé les droits de manière indifférenciée et pas seulement les droits réels ou personnels. Or le droit même qui assoit la jouissance d'un logement est soit réel, soit personnel. Par conséquent, la nullité est encourue lorsqu'on dispose seul du droit réel qui fonde l'occupation (ex : vente), ou du droit personnel qui la justifie (ex : congé pour un bail locatif). En l'espèce, on est face à un cas de figure qui n'entre dans aucune catégorie : l'époux a donné à bail le logement dont le couple était propriétaire. [...]
[...] Ainsi tout ce qui est susceptible de restreindre l'exercice des droits réels ou personnels d'un conjoint sur ce logement-là tombe sous le coup de l'article 215 (al 3). Cette interprétation, loin d'être originale, était largement admise par la doctrine de toute façon, en effet, la disposition impérative de l'article 215 interdit à un époux agissant seul de disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille et donc de donner à bail le local qui aurait cette affectation (V. [...]
[...] Or le propriétaire d'un immeuble, siège de la famille, perd une partie de son pouvoir en raison du mariage. En l'espèce l'époux, en tant que propriétaire du bien, avait tout intérêt à louer d'autant plus que ni lui ni sa femme, dont il était séparé, n'habitait le logement en question. En élargissant, au moyen d'une interprétation Ratio Legis, le champ d'application de l'article 215 la cour a également fait augmenter le nombre de propriétaires victimes de cette disposition et a fortiori de leur mariage. [...]
[...] Tout d'abord elle confirme la position défendue par l'épouse à savoir que le bail du logement familial est un acte de disposition au sens de l'article 215 Par ailleurs elle affirme la subsistance de cette protection en cas de séparation de fait (II). Le bail du logement familial : un acte de disposition au sens de l'art 215(al3) Comme dit précédemment, le législateur est intervenu afin d'assurer la protection du lieu de résidence des époux. Cette intervention s'est traduite par la rédaction de l'article 215, alinéa 3 Le législateur ayant utilisé des termes relativement évasifs, les juges ont eu l'occasion, au moyen d'une interprétation Ratio Legis, d'étendre le champ d'application de cet article L'article 215 (al : une intervention législative, protectrice du logement Dans cette affaire, l'épouse demandait l'annulation du contrat de bail souscrit sur le logement au motif qu'il avait été conclu sans son consentement et donc en violation de l'article 215 (alinéa 3). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture