Commentaire d'arrêt de la Deuxième Chambre de la Cour d'Appel de Chambéry, le 4 février 2010: l'application du principe de précaution par le juge judiciaire

Thèmes abordés

Commentaire d'arrêt, Deuxième Chambre, Cour d'appel de Chambéry, 4 février 2010, application du principe de précaution, juge judiciaire

Résumé du document

Les faits sont assez communs. Les époux Stanescu ont assigné en justice la société SFR, demandant la suppression de l'antenne relais installée à proximité de chez eux.
Ils ont interjeté appel du jugement ayant rejeté leur action en se fondant principalement sur le principe de précaution.
La cour d'appel de Chambéry confirme le jugement, en confirmant que cette situation de fait. A savoir l'exposition à une antenne relais n'était pas contraire au principe de précaution. Qu'ils n'en rapportaient pas la preuve, et que la réglementation française respecte ce principe de précaution.

Extraits

[...] Les doutes nés de la mise en oeuvre du principe de précaution par le juge judiciaire Les doutes nés de la mise en oeuvre du principe de précaution par le juge judiciaire tiennent autant à sa légitimité qu'à son opportunité A. Doutes quant à la légitimité du juge judicaire pour mettre en oeuvre le principe de précaution Comme il a été envisagé, le principe de précaution s'inscrit dans le droit positif par deux dispositions. Premièrement, l'article L. 110-1 II du Code de l'environnement qui est une invitation faite au législateur à intégrer ce principe dans les dispositions législatives concernant les ressources naturelles. [...]

[...] Deuxièmement, l'application du principe de précaution par le juge judiciaire comporte un risque de casuistique contraire à la prévisibilité du droit. Des juges pourraient porter des appréciations différentes sur la distance nécessaire entre les antennes relais et les habitations, ce qui conduirait à des solutions différentes selon le juge, et constituerait une atteinte au principe de l'égalité devant la loi. Enfin, troisièmement, une telle jurisprudence est porteuse d'un important risque économique pour les entreprises de téléphonie mobile enfermées dans une situation kafkaïenne où elles doivent implanter de nouvelles antennes relais pour satisfaire aux obligations auxquelles les soumet la concession de licence de GSM, tout en se voyant ensuite sanctionner par les juges au nom du principe de précaution (J.-P. [...]

[...] Les nombreuses études scientifiques relatives au sujet font en effet état d'incertitudes sur certaines conséquences à long terme de la présence des antennes relais mais nullement de risque avéré. Il s'agit donc en définitive de soumettre le décret du 3 mai 2002 aux critères du principe de précaution, contrôle auquel va se livrer la cour d'appel de Chambéry. B. L'étendue du contrôle opéré par les juges Le principe de précaution impose que, face à un risque suspecté, soient adoptées des mesures temporaires, proportionnelles à la gravité du risque. Le contrôle du juge portera donc sur l'appréciation de la gravité du risque et le caractère proportionné des mesures choisies. [...]

[...] Il en résulte ainsi que la Haute juridiction semble approuver une application directe du principe de précaution par le juge judiciaire. Cependant, la mise en oeuvre du principe de précaution en matière d'antennes relais revient en réalité pour le juge judiciaire à apprécier la légalité d'une réglementation administrative de façon générale. Or cette fonction ne relève pas de son office mais du pouvoir exclusif du juge administratif. Le juge judiciaire est seulement compétent pour trancher des conflits particuliers et outrepasse donc ses pouvoirs en s'autorisant cette appréciation générale. [...]

[...] Et pourtant, cela n'a pas empêché la Cour de cassation de directement mettre en oeuvre le principe de précaution dans un conflit relatif aux risques nés du forage d'un terrain dont se plaignait une société voisine productrice d'eaux minérales naturelles. Cette dernière faisait valoir que le forage réalisait une violation du principe de précaution (Cass. 3e civ mars 2010, 08- 19.108 : JurisData 2010-001128). Or la troisième chambre civile, après avoir rappelé la définition du principe de précaution selon les termes de l'article L. 110-1 II juge que la cour d'appel a retenu à bon droit que le principe de précaution ne pouvait trouver application dès lors que le risque de pollution avait été formellement exclu par l'expert judiciaire. [...]