Commentaire d'arrêt, Deuxième Chambre civile, Cour de cassation, 28 février 1996, responsabilité d'autrui, notion de faute
Dans un arrêt du 28 février 1996, la Cour de cassation en sa formation de deuxième chambre civile traite de la question de la possibilité de l'engagement de la responsabilité civile d'un mineur, à fortiori en bas âge.
En l'espèce, une fillette âgée de 8 ans confiée pour une soirée par ses parents à la garde d'un individu majeur a provoqué par un comportement à risque un accident en heurtant le fils mineur de l'individu sous la garde duquel elle se trouvait qui tenait une casserole remplie d'eau bouillante et lui causant à elle-même des brûlures. Sa mère demande la réparation de son préjudice à la personne qui l'avait sous sa garde ainsi qu'à son assureur.
La Cour d'appel retient la responsabilité entière de l'adulte qui l'avait sous sa garde au motif que le comportement de l'enfant compte tenu de son bas âge ne pouvait être considéré comme une faute ayant concouru à la réalisation de son dommage, celui-ci étant prévisible.
[...] Le comportement de la fillette constitue donc une faute ayant concouru à la réalisation de son dommage. Si la détermination du responsable du dommage est difficile à déterminer la tendance à l'objectivisation de la notion de faute semble orienter la réponse de la cour de cassation (II). I La difficile détermination du responsable du dommage Le comportement de la fillette s'il ne lui est pas imputable celle-ci n'ayant pas conscience de la gravité de ses actes va tout de même entrainer un partage de la responsabilité pour faute Un comportement non imputable La faute d'un mineur peut être retenue à son encontre même s'il n'est pas capable de discerner les conséquences de son acte Traditionnellement, les composantes de la faute sont un élément légal c'est à dire la violation d'une règle, un élément matériel qui peut consister en une action ou une abstention répréhensible et un élément moral qui renvoie à la conscience qu'à l'individu de commettre une faute. [...]
[...] En temps normal ce sont les parents qui sont responsable du fait de leurs enfants mais en l'espèce, la fillette est placée sous la responsabilité d'un autre adulte. Cet adulte peut-il être considéré comme responsable des dommages causés à la fillette du fait de la responsabilité ponctuelle qui pesait sur lui ? La cour de cassation casse la cour d'appel pour avoir retenu le caractère prévisible et naturel du comportement pour retenir la responsabilité entière du majeur qui avait sous sa garde la fillette. [...]
[...] Alors que la Cou d'Appel retient l'entière responsabilité de l'adulte ayant la garde de la fillette, la cour de cassation affirme que le comportement de la fillette victime revêt le caractère de faute qui si elle n'est pas totalement exonératoire de responsabilité, la limite puisqu'elle a concouru à la réalisation du dommage. La cour de cassation invite alors la cour d'appel de renvoi à évaluer les proportions du partage de la responsabilité. La responsabilité du majeur qui avait la garde de la fillette ne sera certainement pas évincée mais elle sera limitée. [...]
[...] Cette objectivisation initialement favorable à la réparation peut cependant présenter des effets pervers et peut se retourner contre la victime du dommage. II Les dangers d'une objectivisation systématique de la notion de faute Si la considération de l'auteur de la faute est de moins en moins prise en compte pour favoriser la réparation cette objectivisation peut avoir des conséquences préjudiciables pour les victimes de dommages lorsque celles-ci ont contribué à la réalisation de celui-ci sans en avoir conscience(B). D'une vision moralisatrice à une vision réparatrice de la faute Cet arrêt retient une conception objective de la faute, réduite à son élément matériel. [...]
[...] Cette conception objective de la faute engendrant la responsabilité de son auteur alors qu'elle a pour but de favoriser l'indemnisation et la réparation du dommage de la victime coûte que coûte peut lui être préjudiciable quand l'appréciation d'une faute exonératoire se fait également objectivement. Cette solution peut alors sembler contraire à la morale et au bon sens. En effet, il parait injuste de faire peser personnellement une telle responsabilité sur un enfant en bas âge et d'exonérer de toute ou partie de sa responsabilité celui qui en la charge. [...]
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