Commentaire d'arrêt, Deuxième Chambre civile, Cour de cassation, 23 octobre 2003, trouble anormal de voisinage
Le Code civil, datant de 1804, consacre de nombreuses notions essentielles à notre droit telles que le droit au respect à la vie privée, à l'honneur ou encore le droit de propriété. Cette dernière notion, définie à l'article 544 de ce même Code, dispose que « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Ce principe essentiel est inscrit dans la DDHC de 1789 et dans la Convention Européenne des droits de l'Homme à l'intérieur de l'article 1er de son 1er protocole additionnel et est caractérisé comme absolu, exclusif ainsi que perpétuel. Pourtant, les limites au droit de propriété existent et sont par ailleurs très répandues, ces limites peuvent exister si ce droit est exercé en dehors des limites législatives et règlementaires, mais également s'il nuit au droit de propriété ce qui peut être le cas dans la situation des troubles anormaux de voisinage. C'est en l'espèce cette situation qui est traitée dans l'arrêt ici étudié de la 2e chambre civile de la Cour de cassation en date du 23 octobre 2003. En l'espèce, un couple souhaitant préserver la tranquillité de l'environnement immédiat de son domicile assigne le propriétaire d'un terrain voisin ainsi que plusieurs sociétés sur le fondement de différentes nuisances liées à l'installation d'un centre commercial et d'un transformateur EDF qui ont engendré des nuisances sonores et visuelles à cause de l'arrachage d'arbres, d'un agrandissement des routes.
[...] De plus, il est possible de considérer que le trouble anormal de voisinage frappe les personnes puisque ce sont les personnes qui sont dérangées en l'espèce par les troubles mais en aucun cas le terrain. Par cela, l'arrêt ici étudié est en parfait accord avec l'article 8 de CDEH qui concerne les droits de la personnalité d'autrui et qui peut donc constituer une entrave au droit de propriété puisque cela implique le respect du domicile d'autrui et par conséquent cela induit l'idée que le trouble anormal de voisinage ne doit pas nuire à la vie privée et familiale. [...]
[...] Cette définition est précisée par la suite par la 2ème chambre civile dans son arrêt du 19 novembre 1986 où elle affirme que le principe est que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage. Par cette précision, où elle ne revoie pas à l'article 544 du code civil, elle étend donc la notion de trouble anormal de voisinage à tous occupant d'un fonds qu'il en soit propriétaire ou non, ouvrant donc l'action aux locataires ce qui paraît très juste. [...]
[...] Par la suite, un trouble sonore est constaté relativement au bruit émis par le transformateur EDF ainsi qu'un trouble olfactif et visuel relatif aux ordures laissées aux abords du centre commercial. Il est donc bien possible de constater que les juges du fond conservent tout loisir à qualifier l'ensemble des troubles anormaux du voisinage puisque la Cour de Cassation valide l'ensemble de l'arrêt d'appel. Et donc d'autre part, la Cour de Cassation laisse aux juges du fond une grande liberté quant à la réparation des troubles. [...]
[...] Une conservation large des pouvoirs du juge du fond quant à la qualification et à la réparation du trouble anormal de voisinage. En l'espèce, la Cour de Cassation se range à la qualification faite par les juges du fond concernant le trouble anormal du voisinage, elle laisse justement aux juges du fond dans un premier temps l'appréciation souveraine du trouble et laisse ensuite dans un second temps le choix à ces mêmes juges quant à la réparation de ce trouble anormal. [...]
[...] Une solution bienvenue des juges souverains Cet arrêt montre un rapprochement de la jurisprudence avec la conception Européenne du droit au respect de ses biens conservant au passage un large pouvoirs des juges quant à la qualification et à la réparation du trouble anormal de voisinage Un rapprochement de la jurisprudence avec la conception Européenne du droit au respect de ses biens. En l'espèce, la prohibition claire des troubles anormaux de voisinage s'effectue en quelque sorte dans un grand respect de la CEDH et des principes qu'elle affirme. [...]
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