Commentaire d'arrêt, Cour de cassation, première chambre civile, 6 février 2008, mort d'enfants avant la naissance, acte d'enfant sans vie, critères de viabilité
Parmi les droits de la personne humaine, le droit à la vie est certainement celui qui est le plus délicat à aborder, particulièrement lorsqu'il s'exerce autour du moment de la naissance. Outre le problème récurrent de l'interruption volontaire de grossesse, pour lequel la liberté de procréer l'emporte aujourd'hui sur le droit à la vie, la mort d'enfants avant la naissance ou à ce moment-là soulève la question de la reconnaissance d'êtres qui bien que nés aux yeux de leurs parents n'ont pas eu d'existence prolongée au-delà de 3 jours. Certains d'entre eux naissent vivants et viables, ce qui permet à leurs parents de faire reconnaître leur naissance et leur décès ; d'autres naissent sans vie, et la seule possibilité de reconnaissance qui leur est permise est l'établissement d'un acte d'état civil d'enfant sans vie. La question qui se pose alors est celle de la frontière entre le fœtus, qui est considéré en droit français comme une chose, et l'enfant, question à laquelle tente d'apporter une nouvelle réponse la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 février 2008.
En l'espèce, le 20 mars 1996, une femme est accouchée, après 21 semaines d'aménorrhée, d'un fœtus sans vie de 400 grammes, et n'a pu effectuer aucune déclaration à l'état civil.
La viabilité est-elle une condition requise pour établir un acte d'enfant sans vie ?
[...] La première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 février 2008, casse l'arrêt attaqué. La Cour considère que l'article 79-1 alinéa 2 du Code civil ne subordonne l'établissement d'un acte d'enfant sans vie ni au poids du fœtus, ni à la durée de la grossesse. Elle considère en conséquence que la cour d'appel, qui a ajouté au texte des conditions qu'il ne prévoit pas, l'a violé. L'arrêt semble remettre en cause des textes qui définissaient des critères de viabilité à l'usage des officiers d'état civil pour accorder ou non l'acte d'enfant sans vie, ce qui peut paraître à la fois contestable, dans le sens où cela pourrait tendre vers la reconnaissance de l'enfant sans vie pour l'embryon voire la cellule-œuf, si on pousse le raisonnement à l'extrême, mais pour autant acceptable, si on pèse l'amorce que peut constituer cet arrêt pour une réforme de l'acte d'enfant sans vie. [...]
[...] Les époux ont interjeté appel, et par un arrêt du 17 mai 2005, la cour d'appel de Nîmes confirme la décision du tribunal. Elle considère que l'article 79-1 du Code civil ne permet de dresser un acte d'enfant sans vie que lorsqu'on reconnaît à l'être dont on doit ainsi déplorer la perte un stade de développement suffisant pour pouvoir être reconnu comme un enfant, ce qu'elle considère comme ne pouvant se décréter mais comme devant se constater à l'aune de l'espoir raisonnable de vie autonome présenté par le fœtus avant son extinction. [...]
[...] L'objectif de la Cour de cassation est ici tout à fait louable, puisqu'il est d'élargir le champ d'application des conséquences de l'acte d'enfant sans vie. En effet, reconnaître un enfant sans vie permet au couple dont la femme en a accouché, puisque l'acte n'opère pas de filiation, de donner un prénom à l'enfant, de désigner ses père et mère, de l'inscrire sur le livret de famille, d'avoir accès à certains droits sociaux comme le congé maternité et, surtout, de réclamer le corps de l'enfant afin d'organiser des obsèques, donc d'accomplir pour le père et la mère le travail de deuil. [...]
[...] Ce seuil a été repris par la suite en droit interne par une circulaire du ministère de la Santé datant du 22 juillet 1993 et une circulaire conjointe des ministères de la Solidarité, de la Justice et de l'Intérieur, datant du 30 novembre 2001 et intégrée à l'Instruction générale de l'état civil (IGEC). La Cour de cassation, cependant, n'entend pas se conformer à tous ces textes de valeur non obligatoire. Elle les contredit en revenant au Code civil, auquel la cour d'appel aurait ajouté au texte des conditions qu'il ne prévoit pas et en aurait donc violé l'article 79-1 alinéa 2. Elle considère donc qu'il n'y a pas lieu de distinguer selon le poids du foetus ou la durée de la grossesse. [...]
[...] La Cour de cassation ne rejette pas pour autant tout le raisonnement de la cour d'appel, puisqu'elle la rejoint sur la prise en compte de l'espoir raisonnable de vie autonome. Une prise en compte particulière de l'espoir raisonnable de vie autonome La Cour de cassation ne rejette pas explicitement le considérant de la cour d'appel, qui notait la nécessité de constater à l'aune de l'espoir raisonnable de vie autonome présenté par le fœtus avant son extinction un stade de développement suffisant de l'être pour pouvoir être reconnu comme un enfant. [...]
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