Commentaire d'arrêt, Cour d'appel, Nancy, 1ère chambre civile, 3 janvier 2011, changement de sexe, état civil
« Le Parlement peut tout faire sauf changer un homme en femme », déclarait au XVIIIe siècle le constitutionnaliste Jean-Louis de Lohme pour souligner la toute puissance du Parlement anglais. Cette affirmation présentée à l'époque comme une certitude juridique et physique perd aujourd'hui son évidence au vue de l'apparition du transsexualisme dont se sont occupés jusqu'alors, non pas le Parlement, mais les tribunaux..
Dans l'affaire du 3 janvier 2011, Monsieur S. N., marié durant seize ans, divorcé depuis vingt ans et père depuis trente-trois ans, souhaite rectifier la mention « sexe masculin » présente sur son acte de naissance par la mention « sexe féminin ».
Sur le fondement de l'article 60 du Code civil concernant le changement de prénom et de l'article 99 du Code civil sur la rectification des actes de l'état civil, M. S. N. a, conformément à l'article 99, fait assigné M. le Procureur de la République pour soumettre sa demande devant le TGI de Nancy. Pour appuyer sa requête, M. N. déclare s'être depuis très jeune considéré comme une fille et avoir dû cacher sa nature intime par crainte de perdre la garde de sa fille.
[...] le Procureur de la République pour soumettre sa demande devant le TGI de Nancy. Pour appuyer sa requête, M. N. déclare s'être depuis très jeune considéré comme une fille et avoir dû cacher sa nature intime par crainte de perdre la garde de sa fille. Son obligation d'adopter un comportement masculin a engendré chez lui une dépression et, bien qu'il ait réussi à se faire accepter et considérer par son entourage amical et familial comme une fille, il se dit victime au quotidien de la transphobie. M. [...]
[...] De par ces arrêts, l'état civil doit désormais prendre en compte le changement de sexe dès lors qu' « à la suite d'un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social ». De par ces arrêts on peut dégager deux grandes conditions au changement d'état civil : l'attestation de suivi d'un traitement médico-chirurgical et l'adoption d'un comportement social correspondant à l'identité de genre de l'individu. Dans l'affaire qui nous occupe, le demandeur affirme adopter « une attitude sociale et comportementale féminine ». Cependant il refuse de produire tous documents médicaux qui pourraient alléguer le suivi d'un traitement médico-chirurgical. A ce propos, M. N. [...]
[...] Par cette décision, la Cour d'appel confirme le jugement déféré. Cet arrêt rendu par la Cour d'appel de Nancy le 3 janvier 2011 semble faire écho à la juridiction précédente au sujet de la modification de l'état civil pour une personne transidentitaire mais ajoute la dimension irréversible du traitement suivi par l'individu Cependant le principe dégagé par cet arrêt entre en contradiction avec d'autres décisions et fait partie d'une jurisprudence critiquée (II). Une décision en adéquation avec l'évolution jurisprudentielle française et consacrant du principe d'irréversibilité du processus de changement de sexe La jurisprudence du tribunal de Nancy n'est pas nouvelle et vient entériner les deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 11 décembre 1992 Cependant cette décision dégage un principe essentiel à la modification de la mention de sexe à l'état civil : le principe d'irréversibilité Une décision conforme au revirement de jurisprudence effectué par la Cour de cassation le 11 décembre 1992 Depuis le premier changement d'état civil en France en 1958 au profit de l'artiste transsexuelle française Jacqueline-Charlotte Dufresnoy née Jacques Charles Dufresnoy et plus connue sous le nom de Coccinelle, la jurisprudence a connu une évolution notable. [...]
[...] La condition exigée par cet arrêt pour la modification de la mention de sexe à l'état civil : l'irréversibilité du processus de changement de sexe Dans sa décision du 3 janvier 2011, la cour d'appel de Nancy refuse de faire aboutir l'action en réclamation de sexe du M. S. N. en raison de son refus de fournir des preuves attestant de l'irréversibilité de son processus de changement de sexe. Cette preuve doit être tangible et extérieur. Elle ne peut être intrinsèque, c'est-à-dire résulter d'une quelconque manière du demandeur. Cette exigence correspond au principe juridique stipulant que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, dégagé de l'article 1315 du Code civil. Bien que M. [...]
[...] Cette question pourrait même dépasser le transsexualisme pour atteindre l'homosexualité. En effet, l'argument principal de l'équilibre familial utilisé pour détracter le mariage homosexuel s'appliquerait alors de la même manière pour un couple de sexe différent mais de genre identique. Il n'en reste pas moins que cette solution élégante utilisée en partie pour éviter l'apparition de nouveau problèmes de droit est celle qui est aujourd'hui en vigueur : que ce soit uniquement par un traitement hormonal ou en y ajoutant une opération chirurgicale, toute modification de la mention de sexe de l'état civil passe par une nécessaire modification corporelle irréversible ; règle à laquelle ne déroge l'arrêt du 3 janvier 2011 de la Cour d'appel de Nancy. [...]
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