Commentaire d'arrêt, Cour d'appel de Douai, 6 juin 2013, stabilité des filiations, Code civil
Pierre S et Sabine B ont contracté mariage le 17 octobre 1988, le 20 décembre Sabine B donne naissance à Nicolas (enfant manifestement conçu avant le mariage et pas avec Pierre S), Pierre a effectué un acte de reconnaissance à l'égard de Nicolas alors qu'il savait pertinemment qu'il n'était pas le père de l'enfant. Les époux divorcent le 31 mars 2003.
Par acte en date du 16 septembre 2010, Nicolas S. a fait assigner Pierre S. sur le fondement de l'article 332 du Code civil, aux fins de voir : annuler la reconnaissance de paternité effectuée par Pierre S. à son égard, dire qu'il s'appellera dorénavant Nicolas B. À titre subsidiaire, ordonner une expertise aux fins d'identification génétique. Par avis du 17 août 2011, le procureur notifie aux parties que la demande en contestation de paternité est irrecevable en application de l'article 333 alinéa 2 du Code civil, étant donné que la possession d'état conforme au titre a duré plus de 5 ans, Nicolas S ne peut contester sa filiation paternelle. Le TGI applique la fin de non-recevoir édictée à l'article 333 alinéa 2 du Code civil, et déclare la demande irrecevable.
Nicolas S interjette appel de cette décision le 11 juillet 2012. Il réitère ses demandes de premières instances : annuler la reconnaissance de paternité effectuée par Pierre S. à son égard dire qu'il s'appellera dorénavant Nicolas B. À titre subsidiaire, ordonner une expertise aux fins d'identification génétique. Il justifie sa demande par le fait que Pierre S n'est pas son père biologique et que depuis ses 13 ans, date du divorce de ses parents, il vit avec sa mère et ne voit plus son père. Dès lors la possession d'état est remise en cause depuis le 31 mars 2003.
[...] La possession d'état, rappelons qu'elle correspond à la prise en compte par le droit de la réalité vécue du lien de filiation, a été en l'espèce d'au moins 13 années. Or depuis l'ordonnance de 2005, l'article 333 alinéa 2 dispose : Nul, à l'exception du ministère public, ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins 5 ans depuis la naissance, ou depuis la reconnaissance si elle est ultérieure L'action en contestation de paternité dans ce cas est soumise à un délai préfixe, c'est à dire un délai qui n'est susceptible ni de suspension ni d'interruption. [...]
[...] Dans notre cas d'espèce, cette action en contestation de la filiation paternelle formulée par Nicolas S sera irrecevable en application de l'alinéa 2 de l'article 333 du code civil, en effet le lien de filiation entre Nicolas et Pierre S. était établi par un titre corroboré par une possession d'état continue, le délai de 5 ans pour agir en contestation de filiation paternelle dans cette hypothèse est largement écoulé, l'action est donc forclose. Dès lors les juges de première instance et d'appel n'ont fait qu'appliquer à la lettre les dispositions législatives. [...]
[...] En effet comme nous l'avons évoqué, l'ordonnance de 2005 vise réellement la stabilité des familles et il semble improbable que le juge accueille la demande de contestation de la filiation alors que le délai préfixe pour agir est très largement écoulé. Ainsi la cour de cassation rejettera certainement la demande de Nicolas S et se conformera à sa jurisprudence antérieure : Cass, 1ère civ février 2013, Cass, 1ère civ novembre 2012. Les voies de recours internes étant alors toutes épuisées, Nicolas S pourra former un recours devant la cour européenne des droits de l'homme pour contester le non respect du droit à connaître ses origines par cet article 333 alinéa 2 du code civil. [...]
[...] sur le fondement de l'article 332 du Code civil, aux fins de voir : annuler la reconnaissance de paternité effectuée par Pierre S. à son égard, dire qu'il s'appellera dorénavant Nicolas B. À titre subsidiaire, ordonner une expertise aux fins d'identification génétique. Par avis du 17 août 2011, le procureur notifie aux parties que la demande en contestation de paternité est irrecevable en application de l'article 333 alinéa 2 du Code civil, étant donné que la possession d'état conforme au titre a duré plus de 5 ans, Nicolas S ne peut contester sa filiation paternelle. [...]
[...] C'est cet argument que soulève Nicolas S devant les juges du fond, effectivement, selon lui l'article 333 introduit par l'ordonnance du 4 juillet 2005, est très contestable sur ce fondement, il n'est selon lui, non conforme au droit au respect de la vie privée et familiale (article 8 CEDH), le droit de connaître son ascendance et le droit de la contester faisant partie intégrante de ce droit au respect de la vie privée et familiale (Cour européenne des droits de l'homme Rasmussen/Danemark novembre 1984, Mikulic/Croatie, et Pascaud/France juin 2011). Comme nous l'avons abordé précédemment, dès lors que la filiation est établie par un titre et corroborée par une possession d'état conforme au titre d'au moins 5 années, la filiation sera incontestable. Ainsi le droit à connaître ses origines a été délaissé par le législateur au profit de la stabilité des filiations. [...]
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