preuve, présomption, causalité alternative, maladies nosocomiales, réparation, victimes, multitude d'auteurs déterminés, identification impossible de l'auteur du dommage
En matière de preuve de l‘obligation, la première chambre civile de la Haute juridiction a fait preuve d‘audace dans l‘affaire du Distibène, où elle a fait présumer la qualité d‘auteur à la charge de plusieurs personnes, qui certes avaient toutes commis une faute génératrice de responsabilité, mais qui n‘y étaient peut-être pour rien dans le dommage de la victime. Cette jurisprudence du 28 janvier 2010 a été appliquée quelques mois plus tard à une tout autre situation, où l‘identité de l‘établissement de santé à l‘origine d‘une infection nosocomiale n‘a pu être déterminée.
[...] La Haute juridiction se voit donc menacée par un risque d'engrenage pouvant l'amener à repousser de plus en plus les limites des présomptions causales au fur et à mesure des cas rencontrés. Cependant, ce risque est à relativiser car la Cour de cassation semble avoir pris conscience du risque, puisqu'elle n'a pas encore énoncé un motif de principe, préférant sans doute statuer au cas par cas. Par ailleurs, montrer du doigt le libéralisme de la première chambre civile en matière de présomptions causales semble exagéré, compte tenu du droit positif en vigueur en dehors de l'hexagone. [...]
[...] Le recours à la causalité alternative en réponse à une pluralité d'auteurs possibles En l'espèce, la contamination de l'infection nosocomiale s'est produite dans l'une ou l'autre des deux cliniques, mais l'impossibilité pour les demandeurs au pourvoi d'identifier l'établissement responsable mène à l'admission d'une présomption de causalité : les deux cliniques sont présumées à l'origine de l'infection nosocomiale. La notion de causalité alternative trouve pleinement sa place dans la solution de la Haute juridiction de présumer la responsabilité médicale des deux établissements de santé. Patrice Jourdain attache une importance particulière à la causalité alternative, et rappelle au juriste français qu'il est difficile de feindre d'ignorer la notion. [...]
[...] L'article 1348 de l'avant-projet Catala dispose que lorsqu'un dommage est causé par un membre indéterminé d'un groupe, tous les membres identifiés en répondent solidairement sauf pour chacun d'eux à démontrer qu'il ne peut en être l'auteur. [...]
[...] L'extension de la présomption de causalité au cas d'espèce s'explique par un enjeu identique à toutes les affaires rencontrant la causalité alternative : rendre une décision au profit des victimes. II- Une présomption de causalité jouant contre la réalité et en faveur des victimes L'objectif de la causalité alternative de favoriser la réparation des victimes de dommages commis par un auteur non identifié, se heurte à une critique doctrinale, selon laquelle la présomption causale relèverait davantage du domaine de la fiction que de la réalité C'est pourquoi la Cour de cassation fait preuve de prudence dans chacune de ses décisions relative à ce type de présomption, afin d'éviter de pousser trop loin son champ d'application L'usage de la « fiction de la causalité alternative », justifiée par une volonté de favoriser la réparation des victimes P. [...]
[...] Parmi la pluralité d'auteurs possible, il n'y a en effet qu'un seul véritable auteur du dommage. En admettant que la jurisprudence de la première chambre civile se soit appuyée sur une fiction juridique, cette dernière pourrait néanmoins présenter une utilité non négligeable. Si la Haute juridiction avait approuvé le raisonnement de la cour d'appel et avait fait abstraction de la causalité alternative, elle aurait été obligée de rejeter la demande des demandeurs au pourvoi, victimes, au motif qu'ils ne seraient pas parvenus à identifier la clinique responsable parmi les deux établissements intervenants. [...]
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