Commentaire d'arrêt, Chambre commerciale, Cour de cassation, 4 février 2004, remise en cause de la détermination d'un prix
En l'espèce, une société cède les parts dont elle est titulaire à une autre société. Le prix de la vente est déterminé, conformément à la volonté des parties et en application de l'article 1592 Cc, par arbitrage d'un collège d'experts indépendants.
La société cédante souhaite engager la responsabilité des arbitres, car des irrégularités et erreurs auraient eu pour conséquence une sous-évaluation du prix.
La CA de Paris le 11 mai 2001, rejette la demande de la société venderesse en refusant d'appliquer le droit commun des mandats. Seule une erreur grossière pourrait engager la responsabilité du tiers désigné pour fixer le prix et non toute faute de gestion.
En outre, le pourvoi conteste la détermination du préjudice réparable.
[...] Cette notion soulevée par la Cour de cassation ne serait donc requise uniquement pour remettre en cause la vente. Ainsi, par une analyse a contrario une faute simple suffit pour engager la responsabilité du tiers au contrat chargé d'évaluer les parts. Il ne figure pas de définition légale de la faute grossière, mais il en ressort à la lecture de l'arrêt une certaine hiérarchie de la gravité de la faute. L'«erreur grossière» correspondrait ainsi, à un degré supérieur comparé à la faute lourde, grave, ou encore celle inexcusable issues d'un comportement fautif outrepassant donc les fonctions confiées par les parties. [...]
[...] Le pouvoir judiciaire va même jusqu'à s'interdire d'avoir un droit de regard sur la nomination de ce tiers. En admettant la responsabilité de l'arbitre, sur le fondement du droit des mandats, cela permet au vendeur d'obtenir une compensation qui indirectement permet de rétablir l'équilibre des prestations, bien que ce «rééquilibrage» n'aurait, en principe, pas été permis par le droit de la vente. Les parties ayant convenu au préalable de se lier aux estimations de cet expert ne devraient théoriquement pas agir en justice pour réclamer ce qu'elle pensait légitimement ou non- recevoir des conclusions futur de ce tiers. [...]
[...] Après avoir le principe de la réparation admis, la Cour fait une entrée fracassante en jugeant la fixation du prix dans la vente, au visa de l'art Cc, relatif au principe de la réparation intégrale du préjudice. On peut constater un rapprochement indéniable avec le contrat lésionnaire, dont la sanction lui aurait été refusée si elle avait contracté hors du cadre de l'article 1592 Cc. La victime obtiendra un «supplément du juste prix», non de son cocontractant comme dans la lésion, mais d'un tiers extérieur à la vente. [...]
[...] Par cet habile mécanisme, et faute de dispositions suffisamment précises et nombreuses, l'expert pourrait à l'avenir se retrouver engager dans une obligation de résultat une transformation d'une obligation de moyen initiale en une obligation de résultat Si la Chambre commerciale dans cet arrêt ne s'est pas prononcée sur la nature de l'obligation du tiers mandataire, nous pouvons penser que l'étonnante facilité d'assignation en responsabilité du mandataire permette d'ériger une obligation de résultat. L'estimation de valeur constituait jusqu'à présent seulement une obligation de moyens, appliquée par l'arrêt d'appel. [...]
[...] Selon l'article 1592 Cc relatif à la vente, les parties à un contrat de vente peuvent laisser à l'arbitrage, s'il le désire, de procéder à la détermination du prix. Cet article fait référence au terme «arbitre», or en l'espèce le terme de «mandat» parait beaucoup plus adapté. En effet, l'arrêt étudié fait une application de l'article 1992 Cc qu'elle vise expressément dans son visa, c'est-à-dire les dispositions spécifiques au mandat. Le mandataire peut être défini comme le tiers chargé de représenter d'une ou plusieurs parties pour l'accomplissement d'un ou plusieurs actes juridiques. [...]
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