Commentaire d'arrêt, Chambre commerciale, Cour de cassation, 22 juin 1999, fictivité d'une filiale
Alors que la France hésite encore à honorer son contrat visant à livrer des bâtiments de guerre au gouvernement russe dans un environnement géopolitique tendu, il s'avère que la question de la sécurité juridique est primordiale pour faciliter les échanges internationaux et notamment dans le commerce naval où les montages financiers usant régulièrement de sociétés off-shore sont courants. C'est dans une affaire marquée par une forte influence internationale que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a eu à répondre à cette question dans un arrêt de cassation rendu le 22 juin 1999.
En l'espèce, une société de droit russe a participé au financement d'un navire. Pour ce faire, une société de crédit allemande un lui a consenti un prêt, mais, le droit russe ne permettant pas l'hypothèque maritime, l'emprunteur a constitué une filiale chypriote afin de permettre à la banque d'obtenir une garantie sur le navire. Le prêt une fois consenti il s'est avéré que la société russe été débitrice d'un autre de ses créanciers qui a saisi le navire dans le port de Papeete puis a procédé à sa vente aux enchères pour honorer la dette du débiteur. La distribution du prix obtenu avec la vente du navire entre les différents créanciers chirographaires a soulevé des difficultés, car, sur le fondement de l'hypothèque maritime, l'organisme bancaire allemand bénéficiait d'une créance privilégiée. Ce à quoi les créanciers ont rétorqué que la filiale chypriote était une société fictive et que de facto l'hypothèque consentie par elle au profit de la banque était nulle. C'est dans cette optique qu'elle saisit les tribunaux français, sol sur lequel le navire a été saisi pour voir déclarer que la banque allemande doit être en concurrence avec tous les autres créanciers chirographaires donc faire annuler l'hypothèque maritime.
[...] De plus elle n'est pas prescriptible et peut être constatée en justice mais le jugement est déclaratif et non constitutif donc opposable aux tiers de bonne foi. - la nullité implique la disparition de la société pour le futur donc ne remet pas en cause les accords postérieurement conclus Confirmation jurisprudentielle en contradiction avec le droit de l'UE - la décision de la Cour est en accord avec une jurisprudence constante : la déclaration de nullité de la société lorsqu'il n'y a pas d'affectio societatis. Seul l'arrêt du 22 juin 1976 avait déduit de cette circonstance l'inexistence mais il reste isolé. [...]
[...] Après un jugement de première instance non mentionné, la Cour d'appel a décidé de retenir la fictivité de la filiale de la société russe en considérant que la confusion du patrimoine et de ses activités avec sa maison mère caractérisait de l'absence d'affectio societatis. La banque allemande forme un pourvoi en cassation afin de voir confirmer sa son hypothèque sur la navire en invoquant d'une part le viol de l'article 1832 du Code civil considérant que l'absence d'affectio societatis n'est pas un critère permettant de justifier la fictivité de la filiale et invoque d'autre part le viol de l'article 1842 du même code en rappelant cette dernière dispose d'un patrimoine propre dont l'actif est sur le navire et dont l'activité consiste à en donner l'affrètement. [...]
[...] C'est dans une affaire marquée par une forte influence internationale que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a eu à répondre à cette question dans un arrêt de cassation rendu le 22 juin 1999. En l'espèce, une société de droit russe a participé au financement d'un navire. Pour ce faire, une société de crédit allemande un lui a consenti un prêt, mais, le droit russe ne permettant pas l'hypothèque maritime, l'emprunteur a constitué une filiale chypriote afin de permettre à la banque d'obtenir une garantie sur le navire. [...]
[...] - l'arrêt de principe a été rendu le 16 juin 1992 et dispose que la société fictive est une société nulle et non pas inexistante ces motifs sont repris in extenso par la Cour en l'espèce pour justifier leur décision. - cette décision est toutefois critiquable au regard du droit de l'UE qui dans la directive du 9 mars 1968 transposée le 16 septembre 2009 qui énonce que la fictivité de l'intention de s'associer ou la fictivité des apports ne constitue pas une cause de nullité des SA. [...]
[...] Elle admet donc que cette société n'a été conçue par la maison mère que pour offrir à la banque une garantie réelle sur le navire. Toutefois, si la Cour d'appel se trouve justifiée sur ce point, les juges vont tout de même la censurer pour le viol de l'article 1844-15 du code civil visé dans le pourvoi au motif qu'une société fictive est une société nulle et non inexistante et que la nullité opère sans rétroactivité, de sorte que la sureté réelle consentie par la société avant que sa fictivité ne fut déclarée demeure valable et opposable aux créanciers chirographaires en l'absence de faute de sa part. [...]
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