Paiement indu Article 2219 Code civil Article 1235 Solvens accipiens Cassation 1er Juin 2010
La montre molle est une invention de Salvador Dali, particulièrement adaptée aux horaires souples et aux journées élastiques, mais inutilisable quand les temps sont durs (Marc Escayrol). Cette citation prend tout son sens au regard du droit de la prescription, en effet il n'existe pas d'autre matière du droit plus exigeante que celle-ci dans le respect d'un temps imparti et la figure de la montre molle n'y a aucune place, tout n'est que rigueur et précision.
Cette rigueur aurait pu profiter aux consorts X dans l'espèce commentée mais ceux-ci en ont finalement subit les effets. Leur histoire débute par un évènement tragique, l'assassinat d'Evelyne X par son mari M. Y, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité et dont la donation à son profit de l'universalité des biens de sa femme est révoquée pour ingratitude plus de quinze ans après les faits. A la suite de ce jugement de révocation, les héritiers versent des acomptes sur droit de succession puis, se rendant compte de la méprise, invoque la prescription qui leur était acquise pour en obtenir la restitution. La demande est rejetée par l'administration, mais par un arrêt infirmatif la Cour d'appel annule la décision de rejet et ordonne la restitution des acomptes versés au motif que « les consorts X n'ont pas manifesté une volonté non-équivoque de renoncer à la prescription, exprimée en connaissance de cause » en versant les acomptes. Ces éléments tendent à s'interroger sur la question de savoir la mesure dans laquelle l'action en répétition de l'indu est ouverte contre une dette prescrite. Et la réponse de la Cour de cassation, ferme et en continuité avec sa jurisprudence constante en la matière, est négative : Une action en répétition de l'indu ne peut obtenir satisfaction contre une dette au seul motif qu'elle est prescrite.
Cet arrêt de la chambre commerciale se fonde sur deux concepts juridiques distincts dont il apparait important de dessiner les contours : La notion de paiement indu et la prescription extinctive.
Le paiement indu est prévu à l'article 1235 du Code civil qui dispose que « tout payement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition ». Cette situation recouvre deux hypothèses, l'indu objectif, ou absolu, qui implique une absence totale de dette entre solvens et accipiens ; et l'indu subjectif, ou relatif, pour lequel la dette est effectivement présente mais pas entre les deux parties, soit le solvens n'était pas débiteur, soit l'accipiens n'était pas créancier.
La prescription extinctive est définie à l'article 2219 du Code civil qui prévoit que « la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps. ». Ce mécanisme répond à l'impératif illustré par l'adage « Quieta non mouere », ce qui est paisible ne doit pas être troublé car, en effet, une action trop tardive troublerait l'ordre public sans raison.
La combinaison de ces deux notions pose le problème susmentionné et la réponse a été apportée en premier lieu par un arrêt de chambre des requêtes en date du 17 janvier 1938 puis par un arrêt de chambre sociale le 11 avril 1991 pour les obligations dites naturelles.
La solution de la Cour de cassation commentée met l'accent sur deux aspects du problème, d'une part sur le caractère « spontané » des versements (I) et d'autre part sur l'ignorance du fait que le bénéfice de la prescription était acquis (II).
[...] Il apparait donc juste d'opposer au débiteur négligeant la même exception qu'au créancier : aucun des deux ne peut solliciter en justice un paiement lorsqu'il s'agit d'une dette prescrite, ce qui n'a pas été réclamé ne peut plus l'être et ce qui a été payé ne peut être restitué. Corolairement, la Cour de cassation favorise donc un créancier de bonne foi qui n'utilise pas la contrainte pour obtenir son paiement en lui permettant, malgré le fait qu'il n'ait pas daigné agir dans le temps qui lui était imparti, de conserver un paiement volontairement acquitté. Il eut été effectivement relativement inéquitable que, sous prétexte de l'écoulement du temps le créancier ne puisse pas jouir de ce qui lui est dû. [...]
[...] En prenant cette voie, la Cour et le législateur souhaitent mettre avant en l'action a priori à la disposition du débiteur. En effet, si le solvens savait effectivement que le bénéfice de la prescription lui était acquis, il lui suffisait alors d'opposer l'exception de prescription à son créancier qui est une condition obligatoire pour pouvoir se prévaloir de son effet. La seule possibilité pour laquelle la Cour autoriserait la répétition du paiement serait celle dans laquelle le solvens se serait acquitté de sa dette sous la contrainte qui alors trouverait sa justification dans l'immoralité du paiement ainsi obtenu. [...]
[...] Cette thèse a trouvé un écho dans un arrêt du 5 mars 1957 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation qui affirmait que la prescription éteignait bien le droit et l'action pour faire valoir ce droit. Mais, depuis cette décision bien esseulée, la thèse processuelle n'a cessé d'être consacrée dans la jurisprudence, ainsi l'imputation d'un paiement peut se faire sur une dette prescrite et l'engagement de payer une dette prescrite reste valable. Ces exemples jurisprudentiels tendent à confirmer que la survenance de la prescription n'emporte pas extinction de tous les rapports de droit entre le créancier et son débiteur, il empêche simplement le créancier de troubler l'ordre public en réclamant le paiement de son dû. [...]
[...] Il est permis d'en douter fortement au regard de la jurisprudence antérieure, en effet il parait évident que la décision des héritiers d'honorer la dette n'était animée d'une intention libérale. Ainsi, la décision s'apparenterait plus à une consécration de l'analyse processuelle de la prescription extinctive. Une consécration de l'analyse processuelle de la prescription extinctive ? Deux analyses concurrentes s'opposent quant à la question de savoir si le bénéfice de la prescription éteint le droit d'action du créancier ou le droit subjectif du créancier lui-même. [...]
[...] Cet arrêt de la chambre commerciale se fonde sur deux concepts juridiques distincts dont il apparait important de dessiner les contours : La notion de paiement indu et la prescription extinctive. Le paiement indu est prévu à l'article 1235 du Code civil qui dispose que « tout payement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition ». Cette situation recouvre deux hypothèses, l'indu objectif, ou absolu, qui implique une absence totale de dette entre solvens et accipiens ; et l'indu subjectif, ou relatif, pour lequel la dette est effectivement présente mais pas entre les deux parties, soit le solvens n'était pas débiteur, soit l'accipiens n'était pas créancier. [...]
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