Commentaire d'arrêt, Chambre commerciale, Cour de cassation, 18 juin 2002, intérêt sociétaire
Alors que l'article 1833 du Code civil prévoit qu'une société doit « être constituée dans l'intérêt commun des associés », la jurisprudence semble restreindre la portée de cet article au profit de l'intérêt sociétaire.
Ainsi, la Cour de cassation, dans son arrêt rendu en date du 18 juin 2002, va dans ce sens et subordonne l'intérêt commun des associés à l'intérêt social de l'entreprise.
En l'espèce, la société anonyme l'Amy, société spécialisée dans la fabrication de montures de lunettes, ayant de sérieuses difficultés financières (endettement de plus de 215 000 000 de francs en novembre 1993), avait décidé de sa restructuration, dans le cadre d'un protocole d'accord signé le 4 juillet 1994, avec une réduction de capital à zéro et d'une augmentation de capital subséquente, avec suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires au profit d'une société tierce du même secteur, la société Kitty Little Group (KLG) ; cette opération est communément appelée le « coup d'accordéon ».
Les propositions demandées ont fait l'objet d'une série de résolutions votées par l'assemblée générale extraordinaire en date du 8 août 1994.
[...] Etant soumise à ceux-ci, la société déficitaire ne peut se permettre de refuser ce compromis. Par conséquent, les pertes accumulées des précédents exercices vont être apurées par les associés en place. Enfin, les investisseurs extérieurs, voire les actionnaires actuels, tant majoritaires que minoritaires, qui sont titulaires d'un droit préférentiel de souscription, vont souscrire, ensuite, à l'augmentation du capital. Le droit préférentiel de souscription permet aux actionnaires de souscrire un certain nombre d'actions nouvelles proportionnel au nombre d'actions anciennes qu'ils détiennent. [...]
[...] B De la critique de cet élargissement : l'exclusion des actionnaires minoritaires et la question de l'abus Le coup d'accordéon peut être une méthode pour transmettre une entreprise à un tiers au détriment des actionnaires minoritaires. En effet, un repreneur qui sauve une société de la dissolution en souscrivant à l'augmentation de capital est légitimé à en prendre le contrôle puisque les actionnaires, majoritaires et minoritaires, ont, volontairement ou non, renoncés à leur droit préférentiel de souscription. Les minoritaires qui ne disposent pas de la minorité de blocage lors de l'assemblée générale extraordinaire de la société ne peuvent pas s'opposer à la suppression du droit préférentiel de souscription. Ils se trouvent de ce fait évincés. [...]
[...] Cependant, dans l'arrêt l'Amy, la chambre commerciale de la Cour de Cassation a étendu le principe de validité à l'hypothèse où la suppression du droit préférentiel de souscription avait été décidée. Après avoir constaté le mécanisme du coup d'accordéon nous verrons que celui-ci peut se révéler être défavorable pour les actionnaires minoritaires (II). I - Le coup d'accordéon, un mécanisme validé et encadré par la jurisprudence Après avoir explicité les notions de coup d'accordéon et de droit préférentiel de souscription nous verrons que le coup d'accordéon est une notion prétorienne dont les conditions ont été dégagées par la jurisprudence et, qu'elle emporte des conséquences sur le droit préférentiel de souscription A - Le fonctionnement du coup d'accordéon et la notion de droit préférentiel de souscription L'opération du coup d'accordéon consiste, en général, en une augmentation du capital suivie immédiatement d'une réduction de capital afin d'apurer les pertes. [...]
[...] Cependant, ces derniers, disposant du droit préférentiel de souscription, sont libres de réintégrer la société en participant à l'augmentation du capital le jour où leurs finances personnelles se porteront mieux, une partie des actions leur étant réservée. Ainsi, ils pouvaient participer à la recapitalisation de la société. Cependant, après réduction du capital à zéro, l'augmentation subséquente peut être réservée à un tiers dans le cadre d'une suppression du droit préférentiel de souscription de tous les associés de la société endettée. Une des deux conditions prétoriennes peut-elle être supprimée ? Si oui, dans quel cadre ? [...]
[...] La Cour de Cassation doit répondre à la question suivante : l'intérêt social prévaut-il sur l'intérêt commun des associés ? Le droit préférentiel de souscription de l'ensemble des actionnaires peut-il être supprimé par des quelques uns d'entre eux au bénéfice d'une société tierce ? La Cour de Cassation se conforme à l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Besançon le 2 décembre 1998. Le coup d'accordéon a été décidé afin de préserver la pérennité de l'entreprise ce qui aurait constitué une sauvegarde de l'intérêt social. [...]
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