Commentaire d'arrêt, Chambre commerciale, Cour de cassation, 17 décembre 2013, responsabilité d'un dirigeant de société, faute détachable de ses fonctions
L'action en responsabilité du dirigeant pour faute détachable de ses fonctions peut être introduite par un tiers à la société, qui pense pouvoir prouver cette faute détachable des fonctions. L'idée selon laquelle la responsabilité envers les tiers est tributaire de la faute séparable des fonctions est une construction prétorienne héritée du droit administratif. C'est un effet au 19e siècle que le tribunal des conflits avait rendu l'arrêt Peltier de 1973 dans lequel avait été affirmé le fait que la responsabilité personnelle des fonctionnaires était tributaire de la preuve d'une faute détachable de l'exercice de leurs fonctions. Cette théorie a été transposée en matière de société par la chambre commerciale dans les années 1980. Cependant pour pouvoir engager cette responsabilité, encore faut-il caractériser cette faute détachable des fonctions. L'arrêt de la chambre commerciale du 17 décembre 2013 en est une illustration.
[...] Dès lors, l'acheteur dans l'arrêt du 17 Décembre 2013 n'aurait pas put engagé la responsabilité du dirigeant de la société pour faute comptable comme elle a été caractérisé dans l'arrêt mais uniquement pour avoir vendu un bien déjà cédé. Cependant cette approche serait plus difficile car il devrait prouver qu'il a volontairement voulu vendre une chose déjà cédée et cet élément intentionnel ne saurait être apprécié in abstracto au regard de la faute comme cela a été fait dans l'arrêt. [...]
[...] L'arrêt de la chambre commerciale du 17 décembre 2013 en est une illustration. Un particulier a acheté du matériel à une société et a versé plusieurs acomptes dont le dernier paiement soldant le prix du matériel a été fait le 7 juin 2004. Le gérant de la société a lui cédé ses parts à une autre société par acte sous seing privé le 23 février 2005. Suite à la mise en redressement et à la mise en liquidation judiciaire de la société venderesse, l'acheteur n'a pas pu obtenir la délivrance du matériel qu'il avait acheté et a ainsi assigné le gérant de la société en paiement de dommages et intérêts. [...]
[...] Le dirigeant forme un pourvoi selon un moyen unique pris en ses trois branches. Sur une première branche, le dirigeant fait grief à l'arrêt d'avoir affirmé que l'affirmation selon laquelle l'acheteur n'avait pas soldé le prix de ses marchandises à la date de l'inventaire du stock est fausse en ce qui concerne le four sans préciser sur quels éléments de preuve la cour s'est appuyée, la cour d'appel a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile selon lequel tout jugement doit être motivé à peine de nullité. [...]
[...] Le dirigeant d'une société qui doit dresser un inventaire des stocks une fois par an selon les règles de droit comptable, doit connaître ces règles, les appliquer et les maitriser. Ainsi les juges ont considéré que la faute commise par le dirigeant de la société était une faute grossière, d'une certaine gravité ce qui leur a permis de caractériser le caractère intentionnel de cette faute pour déclarer la faute comme détachable de ses fonctions de dirigeant. En effet, les juges ne vont pas véritablement caractériser l'élément intentionnel de la faute du dirigeant, ce qui est assez favorable aux tiers et qui peut être assez critiquable en l'espèce. [...]
[...] Le maintien par le dirigeant du matériel vendu par une société dans l'inventaire du stock de celle-ci permet-il d'engager la responsabilité du dirigeant pour faute détachable de ses fonctions ? La Cour de cassation rejette le pourvoi en ce que la cour d'appel a souverainement apprécié que l'acheteur avait payé le prix du four selon les pièces versées aux débats et que la vente était conclue dès l'accord de la société et de l'acheteur sur la chose et sur le prix selon l'intention commune des parties recherchée souverainement par la cour, que l'argument invoqué par le dirigeant pour justifier le maintien du matériel à l'inventaire du stock de la société est que l'acheteur n'avait pas soldé le prix de ce matériel ce qui est faux pour le four et n'aurait pu être valable qu'en présence d'une clause de réserve de propriété. [...]
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