Commentaire d'arrêt, Chambre civile, Cour de cassation, 17 avril 1953, arrêt Rivière
Une émigrée russe naturalisée française, Lydia Roumiantzeff, épouse en 1934 en France, un émigré russe non naturalisé, Dimitri Petrov. Peu après, les époux transfèrent leur domicile en Équateur où, dès 1936, ils obtiennent la dissolution de leur union par consentement mutuel, en application de la loi équatorienne. Lydia R. se remarie au Maroc, en 1939, avec un Français, M. Rivière. En 1945, Lydia R. saisit d'une demande de divorce le Tribunal de Casablanca, à l'époque juridiction française. Afin d'échapper au paiement d'une pension alimentaire, M. Rivière réplique que leur union est nulle au motif que le premier mariage n'avait pas été valablement dissolu, le divorce par consentement mutuel prononcé en Équateur ne pouvant alors être reconnu en France.
Le problème posé était donc celui de l'effet en France de la décision équatorienne.
[...] Mais deux années plus tard, la Cour de cassation devait, avec l'arrêt Lewandowski dissiper toute incertitude. Les tribunaux français ayant à connaître du divorce d'un Polonais et d'une Française, l'arrêt pose clairement que divorce de deux époux de nationalités différentes est régi par la loi du domicile commun». C'est à dire, que malgré le défaut de texte, le domicile était, en l'absence de nationalité commune des époux, substitué à la nationalité comme facteur de rattachement. La jurisprudence décida que le divorce d'époux de nationalité différente pouvait être prononcé conformément aux prescriptions de la loi du domicile commun, dès lors même que la loi personnelle de l'un d'entre eux ou que leurs lois respectives le prohibaient. [...]
[...] Trente ans après, la question restait posée. L'application distributive des lois nationales débouchait sur une situation absurde, digne de la comédie : au cas où le Français était marié avec le ressortissant d'un pays dont la loi prohibait le divorce, il pouvait seul demander un divorce qui n'existait qu'à son égard; partant, le conjoint étranger ne pouvait, parce que toujours marié, se remarier. Quant à l'application de la loi française en raison de la seule nationalité d'un des époux, elle étendait à l'excès au nom d'un «nationalisme mal compris la loi française et favorisait la multiplication des «bigamies migratoires». [...]
[...] C'est dire que les circonstances de sa création ne concernent pas matériellement la vie juridique française. Ajoutons qu'il est d'autant plus difficile de refuser d'accueillir en France les effets d'une situation créée à l'étranger que le degré d'expansion de l'institution qu'elle met en oeuvre est plus important. A ces deux facteurs visés par l'arrêt Rivière, certaines décisions récentes semblent vouloir en adjoindre une troisième, d'ordre personnel. Au moins dans le domaine du statut personnel, la contrariété à l'ordre public serait appréciée avec d'autant plus de souplesse qu'aucune des personnes parties à la relation n'aurait la nationalité française ou ne serait domiciliée en France. [...]
[...] C'est à l'arrêt Rivière qu'il revînt de l'énoncer en une formule générale qui fut ultérieurement reprise tant par la Cour de cassation, que par les juges du fond. Postérieurement, l'appellation d' «effet atténué» de l'ordre public qui résume cette conception fut à son tour, consacrée par l'arrêt Munzer. L'expression d'effet atténué de l'ordre public veut marquer que l'intensité de l'ordre public international diffère selon qu'on est en présence d'une situation déjà créée à l'étranger ou d'une situation à créer en France. [...]
[...] La Cour de cassation décida, en effet, qu'à défaut de domicile commun le divorce d'époux de nationalité différente était «régit par la seule loi du for régulièrement saisi du divorce» (Tarwid). Toute intégration à un milieu défini ayant disparu, la loi du for s'applique en vertu de sa vocation subsidiaire générale. Par statut personnel, on entend non seulement le statut de l'individu mais aussi celui des relations de famille. Longtemps de peu d'importance, cette distinction prit tout son relief lorsque la conquête d'une nationalité indépendante par la femme ainsi que l'accroissement du rôle du jus soli augmentèrent le nombre des familles dont les membres étaient de nationalité différente. [...]
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