Lemaire, Cour de Cassation, Assemblée plénière, 8 mai 1984, faute de l'enfant, responsabilité civile du fait personnel, commentaire, arrêt, exonération partielle de responsabilité, abandon exigence de discernement, faute, abandon élément moral de la faute, Fullenwarth, Derguini, faute de la victime, mineur
Dans un arrêt du 9 mai 1984, l'Assemblée Plénière de la Cour de Cassation a dû se prononcer sur un litige relatif à la responsabilité civile du fait personnel de l'enfant et au partage de responsabilité en cas de faute de la victime. En l'espèce, le 10 août 1977, Dominique Declercq, âgé de treize ans, a été mortellement électrocuté en vissant une ampoule sur une douille. Quelques jours auparavant, des travaux d'électricité avaient été effectués par M. Lemaire, ouvrier électricien de la SA Etablissements Verhaeghe dont Emery Verhaeghe est le dirigeant, dans l'étable où se sont produits les faits.
Suite à cela, les consorts Declercq ont cité M. Lemaire et M. Emery Verhaeghe devant le Tribunal Correctionnel. Puis, dans un arrêt du 28 mai 1980, la Cour d'Appel de Douai déclare M. Lemaire coupable d'homicide involontaire et le condamne à 500 francs d'amende avec sursis, à l'allocation de diverses réparations aux parties civiles. Aussi, la Cour d'Appel déclare la SA Etablissements Verhaeghe civilement responsable. Les deux parties forment un pourvoi en cassation. D'une part, M. Lemaire, M. Verhaeghe et la SA Etablissements Verhaeghe invoquent le fait que M. Lemaire n'avait pas d'obligation contractuelle ou réglementaire d'effectuer une vérification pour s'assurer qu'il n'avait pas inversé les fils électriques et que cette inversion n'avait pas de lien direct avec l'électrocution. D'autre part, les consorts Declercq invoquent deux moyens. En premier lieu, ils reprochent à l'arrêt d'avoir relaxé le dirigeant de la société du chef d'homicide involontaire alors qu'il avait une obligation légale de contrôle et de direction de son entreprise qui aurait dû lui permettre de prévenir toute infraction de son employé et qu'il avait eu connaissance de la non-conformité de tels travaux notamment qu'il aurait dû être posé des prises de terre. En second lieu, les consorts Declercq invoquent le fait que la Cour d'Appel aurait dû rechercher si le mineur avait la capacité de discerner la conséquence de ses actes et ne pouvait donc pas retenir à l'encontre de cet enfant de treize ans une faute ayant contribué à son dommage.
Il convient alors de se demander si l'on peut exonérer partiellement l'auteur du dommage de sa responsabilité au motif que la victime a commis une faute, surtout si celle-ci est un enfant de treize ans.
[...] ] s'impose à tout électricien pour s'assurer de l'absence d'une telle inversion de fils». Cet arrêt souligne aussi qu'il convient de déclarer M. Lemaire coupable d'homicide involontaire car cette inversion de fils électriques « est en rapport direct avec l'électrocution ». En outre, il est soulevé le problème de la responsabilité de la SA Etablissements Verhaeghe et de son dirigeant. Les juges décident en appel comme en cassation que la SA Etablissements Verhaeghe sont civilement responsables pour la faute de l'employé M. Lemaire. Toutefois, elle admet que le dirigeant de cette société, M. [...]
[...] Dans un arrêt du 9 mai 1984, l'Assemblée Plénière de la Cour de Cassation a répondu par l'affirmative. En effet, elle ne tient pas compte de la capacité de discernement de la victime, qui est un enfant, en admettant que la Cour d'Appel « n'était pas tenue de vérifier si le mineur était capable de discerner les conséquences de son acte». Elle reconnaît alors que « la victime avait commis une faute qui avait concouru, avec celle de M. Lemaire, à la réalisation du dommage dans une proportion souverainement appréciée ». [...]
[...] C'est sur ce dernier point que cette solution semble dérangeante. En effet, l'on compare le comportement d'un enfant de treize ans à celui d'une personne capable de discerner les conséquences de ses actes. C'est pour cette raison que jusqu'en 1984 la responsabilité pour faute de l'enfant était exclue pour absence de discernement. En effet, les juges refusaient d'établir la responsabilité d'un enfant en bas âge car on considérait que son comportement ne lui était pas imputable, l'enfant qui n'est pas conscient de son acte même fautif n'est donc pas responsable. [...]
[...] Une solution jurisprudentielle aux conséquences mitigées. Cet arrêt pose le principe de la non-incidence de l'absence de discernement sur la reconnaissance de la faute de l'enfant et engage la responsabilité personnelle de ce dernier. En reconnaissant la responsabilité d'un enfant qui a commis une faute ayant concouru à la réalisation de son dommage, cette solution présente l'avantage de protéger l'auteur du dommage. En effet, si l'on avait tenu compte de l'élément moral de la faute, la faute d'un enfant victime n'aurait pas été retenue et le responsable du dommage aurait été déclaré seul responsable. [...]
[...] En effet, comme vu précédemment, cet arrêt reconnaît l'existence d'une faute de ta victime malgré le fait que celle-ci soit un enfant. Il faut tout d'abord distinguer la faute de la victime du fait de la victime qui n'est qu'un simple fait causal qui n'exonérera pas le responsable de sa responsabilité, même partiellement. Lorsque le fait présente les caractères de la faute, comme en l'espèce, il est possible d'exonérer l'auteur du dommage de sa responsabilité. Lorsque la faute de la victime ne présente pas les caractères de la force majeure, l'exonération du responsable n'est que partielle. [...]
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