Commentaire d'arrêt, Assemblée plénière, Cour de cassation, 7 mai 2004, protection du propriétaire, utilisation de l'image de son bien par des tiers
Par l'arrêt rapporté, l'Assemblée Plénière tranche, le 7 mai 2004, une question relative à la protection du propriétaire contre l'utilisation de l'image de son bien par des tiers. En l'espèce, une société de promotion immobilière, qui avait entrepris la construction d'un immeuble, avait chargé une société publicitaire d'élaborer des dépliants comportant notamment, outre le plan de situation de la future résidence, une photographie de la façade d'un immeuble classé monument historique. Afin d'obtenir l'arrêt immédiat de la diffusion des dépliants publicitaires qui, selon les propriétaires, pouvait laisser croire que l'immeuble classé était mis en vente, ces derniers ont agi en justice afin d'obtenir, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, réparation du préjudice consécutif au trouble de jouissance qu'ils prétendaient avoir subi, en leur qualité de propriétaire du bien concerné, du fait cette utilisation de l'image de leur bien par la diffusion du dépliant.
Par un jugement du 27 mai 1999, le Tribunal de grande instance de Rouen a jugé leur demande irrecevable aux motifs qu'ayant donné à bail leur immeuble, ils avaient « perdu l'attribut de leur droit de propriété qui leur permettait d'agir sur le fondement d'un trouble personnel de jouissance ». Les propriétaires de l'immeuble classé font alors appel de ce jugement.
[...] Cependant, l'Assemblée plénière fait ici référence à une notion nouvelle le trouble anormal, autrefois qualifié de trouble certain Par ailleurs, la notion de trouble anormal, bien qu'étant une notion classique en droit civil, demeure, dans cet arrêt, une notion incertaine puisque pas définie précisément par la Haute juridiction. A. Le trouble anormal : Une notion nouvelle. Antérieurement à la décision rapportée du 7 mai 2004 de l'Assemblée plénière, la Première chambre civile de la Cour de cassation a évoqué, dans un arrêt du 2 mai 2001, un trouble certain Par cet arrêt, cette dernière a cassé la décision rendue par les juges du fond pour manque de base légale au regard de l'article 544 du Code civil considérant que ceux- ci avaient omis de préciser en quoi l'exploitation [d'une] photographie par les titulaires du droit incorporel de son auteur portait un trouble certain au droit d'usage ou de jouissance du propriétaire Elle estimait ainsi que le propriétaire devait prouver un trouble certain de ses droits d'usage ou de jouissance pour pouvoir s'opposer à l'exploitation d'une photographie reproduisant son bien. [...]
[...] Cela est apprécié souverainement par les juges du fond en fonction des circonstances de temps et de lieu. Dans ce dernier arrêt, la Cour de cassation considère que la reproduction de l'image de l'immeuble ne doit pas perturber la «tranquillité et intimité» des propriétaires. Bien qu'apportant des précisions par rapport à la jurisprudence antérieure, la formule reste très vague et semble y intégrer la notion de vie privée. [...]
[...] Pourtant, la Cour de cassation, après avoir reconnu, aux propriétaires de bien, un droit à l'image absolu n'hésite pas à en faire une application pour le moins surprenante par la limitation substantielle de ce droit qu'elle réalise. A. De la reconnaissance d'un droit à l'image absolu aux propriétaires de bien . Dans son arrêt du 7 mai 2004, l'Assemblée Plénière affirme que Le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci De cette manière, elle rompt avec la solution de la décision rendue par la Première chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt Gondrée du 10 mars 1999 ; décision dans laquelle elle énonce, au visa de l'article 544 du code civil, que Le propriétaire a seul le droit d'exploiter son bien, sous quelque forme que ce soit pour en déduire que son exploitation par un tiers sous la forme de photographies porte atteinte [à son] droit de jouissance Il s'agissait alors d'une application pure et simple de l'article 544 du code civil, la solution se fondant sur l'exclusivité du droit de jouissance, et plus particulièrement, sur celle du fructus. [...]
[...] Ce pourvoi est rejeté par l'Assemblée Plénière qui, tout en corrigeant la motivation de l'arrêt attaqué, affirme l'inexistence d'un droit exclusif du propriétaire sur l'image de sa chose Mais elle ajoute aussitôt, à ce principe, une dérogation puisqu'elle considère que le propriétaire aurait néanmoins pu agir si cette utilisation d'une image, reproduisant sa chose, lui avait causé un trouble anormal Elle lui reconnaît ainsi une faculté d'opposition en cas de trouble anormal (II). Et elle relève enfin que les énonciations de l'arrêt font apparaître qu'un tel trouble n'était pas établi I. L'inexistence d'un droit exclusif du propriétaire sur l'image de sa chose. Selon l'article 544 du Code civil constituant l'un des piliers du droit, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements». [...]
[...] Assemblée plénière mai 2004 Par l'arrêt rapporté, l'Assemblée Plénière tranche, le 7 mai 2004, une question relative à la protection du propriétaire contre l'utilisation de l'image de son bien par des tiers. En l'espèce, une société de promotion immobilière, qui avait entrepris la construction d'un immeuble, avait chargé une société publicitaire d'élaborer des dépliants comportant notamment, outre le plan de situation de la future résidence, une photographie de la façade d'un immeuble classé monument historique. Afin d'obtenir l'arrêt immédiat de la diffusion des dépliants publicitaires qui, selon les propriétaires, pouvait laisser croire que l'immeuble classé était mis en vente, ces derniers ont agi en justice afin d'obtenir, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, réparation du préjudice consécutif au trouble de jouissance qu'ils prétendaient avoir subi, en leur qualité de propriétaire du bien concerné, du fait cette utilisation de l'image de leur bien par la diffusion du dépliant. [...]
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