Commentaire d'arrêt, Assemblée plénière, Cour de cassation, 15 avril 1988, bien meuble ou bien immeuble
La suma diviso instaurée par le Code civil en 1804 entre les meubles et les immeubles a beaucoup évolué au fil du temps. En effet, du fait des avancés techniques et technologiques, il devient parfois complexe de déterminer si un bien est un meuble ou un immeuble. Cette complexité s'illustre particulièrement dans un arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation rendu le 15 avril 1988.
En l'espèce, un bâtiment religieux désaffecté est orné de fresques. Deux des quatre propriétaires de l'immeuble, suite à l'apparition d'un nouveau procédé technique, parviennent à séparer les fresques de l'immeuble afin de les vendre à des acheteurs suisses. Or il existe entre la France et la Suisse une convention, signée le 15 juin 1889, qui reconnaît la compétence du tribunal de la circonscription du domicile de l'acheteur, en matière mobilière uniquement.
[...] Après avoir reconnu le rôle central joué par l'avancé des techniques dans le changement de qualification juridique des fresques, la Cour attribue à cette qualification de meubles des conséquences juridiques importantes. B. Une qualification de meuble lourde de conséquences juridiques Cet arrêt, rendu par l'Assemblée plénière pose une nouvelle question quand aux immeubles : la jurisprudence antérieure s'était contentée de requalifier d'immeubles par nature des immeubles d'abord qualifiés d'immeubles par destination. Ainsi dans l'arrêt rendu par la 1ère chambre civile du19 mars 1963 la Cour avait jugé que constituent des immeubles par nature des boiseries intimement et spécialement incorporées à un bâtiment, dont elles ne sauraient être séparées sans porter atteinte à leur intégrité Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 24 février 1999 avait jugé que : des bas reliefs en marbre ont le caractère d'immeuble par nature et non d'immeuble par destination dès lors qu'ils forment avec le bâtiment auquel ils ont été, dès l'origine, intimement et spécialement incorporés en un tout indivisible Or dans cet arrêt la Cour de cassation opère un nouveau revirement de qualification. [...]
[...] Un pourvoi en cassation est alors formé. Les prétentions des parties ne sont reproduites puisqu'il s'agit d'un arrêt de cassation. Seul le raisonnement de la cour d'appel est reproduit, ainsi que la solution délivrée. En l'espèce, les fresques, qualifiées d'immeuble par nature par la cour d'appel, seraient devenues des immeubles par destination après avoir été détachées des murs sur lesquels elles ont été réalisées. Le détachement de ces fresques n'ayant pas entraîné de dégradation du mur, la nature immobilière des fresques demeure selon la cour d'appel. [...]
[...] En cela, la Cour de cassation adopte une vision plus objective de la distinction entre meuble et immeuble. Est un meuble ce qui a pu être séparé de l'immeuble sans dommage, mais qui bénéficie désormais de ce que l'on pourrait qualifier d'existence propre. Si la Cour de cassation refuse la fiction de l'immeuble par destination, elle le fait avec des moyens juridiques qu'elle avait peu utilisés jusqu'à maintenant, qui peuvent sembler critiquables mais qui entrent tout à fait dans la logique de l'arrêt. [...]
[...] Quelle est la nature d'une partie d'immeuble par nature détachée sans endommager ce même immeuble ? Quelle est la nature juridique des fresques ? Du fait de la nature des fresques, la juridiction française est-elle compétente ? L'Assemblée plénière juge que l'arrêt d'appel, qui qualifie les fresques d'immeuble par destination, viole l'article 524 du code civil. La Cour qualifie les fresques de meuble, du fait de leur détachement de l'immeuble qui les contenait. Elle applique également l'article 1er de la convention Franco-Suisse de 1889 et juge donc les juridictions française incompétentes pour connaître de l'affaire. [...]
[...] En reconnaissant la découverte de nouvelles techniques comme élément de transformation d'un meuble en immeuble, la Cour de cassation offre ainsi une vision renouvelée de la distinction entre meuble et immeuble. II. L'expression d'une vision renouvelée de la distinction entre meuble et immeuble Dans cet arrêt la Cour de cassation refuse d'appliquer la fiction de l'immeuble par destination et applique un raisonnement juridique en apparence critiquable mais qui finalement logique du fait de la vision renouvelée de la division meuble/ immeuble A. [...]
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