Contrat cadre ass plen 1.12.1995 1129 code civil fixation prix déterminé déterminable contrat de franchise
La pratique démontre que de nombreuses difficultés peuvent survenir dans les relations contractuelles, notamment lorsque les deux parties ne se situent pas sur un même pied d'égalité, comme c'est le cas dans les relations commerciales, nouées entre un fournisseur et son client. De nombreux contentieux ont ainsi été soumis aux juridictions en ce qui concerne les « conventions cadres ». En matière de distribution, les relations entre les parties sont d'abord fixées par une première convention les organisant de manière générale, avant qu'interviennent d'autres contrats, nommés « conventions d'application » par lesquelles le client s'approvisionne auprès du fournisseur. La relation est donc appelée à se dérouler dans la durée, ce qui est la source de nombreux problèmes, notamment en ce qui concerne la détermination du prix, c'est-à-dire la somme d'argent due par l'acquéreur du bien au vendeur en contrepartie de ce bien. Les parties ne peuvent en effet avoir connaissance de l'environnement économique dans lequel vont s'inscrire les différentes conventions qu'elles concluront.
La jurisprudence a donc admis que le prix ne soit pas précisément déterminé, mais seulement déterminable, à condition qu'il ne soit pas pour autant livré à la discrétion d'une partie. Cette dernière condition a constitué un véritable écueil à l'épreuve de la pratique, que n'ont pas évité la plupart des fournisseurs, qui se contentaient de faire référence aux « tarifs ultérieurement fixés » dans leurs conventions-cadres. De nombreux contrats ont alors été annulés, ce que la doctrine a très largement contesté, remarquant que cette tendance mènerait à une impasse, le droit étant trop peu en phase avec la pratique économique. Ces critiques ont mené à un revirement de jurisprudence attendu, le 1er décembre 1995, dans lequel s'inscrit l'arrêt soumis à notre étude.
En l'espèce, M. X conclut un contrat de franchise avec M. Y. Cette convention prévoit que M. X, franchisé, s'engage à utiliser exclusivement les produits vendus par M. Y, et ce, pour une durée de cinq années. Il est par ailleurs indiqué que les produits commandés par le franchisé pour s'approvisionner seront vendus au tarif en vigueur au jour de l'enregistrement de la commande.
Une action en justice est intentée, dans l'objectif de faire annuler la convention de franchisage. La Cour d'Appel accède à cette demande considérant que le prix de vente des produits est fixé par un barème déterminé discrétionnairement par le fournisseur, ce qui affecte la validité du contrat, entraînant dès lors son annulation.
Le pourvoi interjeté en l'espèce amène les juges de cassation à se prononcer sur la question suivante : la référence aux tarifs en vigueur au jour de la commande des produits par le franchisé constitue t-elle un prix fixé à la discrétion du fournisseur pouvant entraîner l'annulation du contrat de franchise ?
Au visa des articles 1134 et 1135 du Code civil, les juges de la Haute Cour considèrent qu'une telle référence dans un contrat de franchisage n'affecte pas sa validité et ne peut donc justifier une annulation de la convention. En revanche, elle précise que « l'abus dans la fixation du prix » peut engendrer la résiliation du contrat ou une indemnisation.
Cette solution s'inscrit dans le retentissant revirement de jurisprudence opéré par la Cour de Cassation dans d'autres arrêts en date du 1er décembre 1995.
[...] Cette solution s'inscrit dans le retentissant revirement de jurisprudence opéré par la Cour de Cassation dans d'autres arrêts en date du 1er décembre 1995. En effet, la Haute Cour rappelle que les contentieux portant sur le prix ne peuvent affecter la validité même du contrat. Si la solution avait déjà été posée en ce qui concerne l'indétermination du prix, elle est ici étendue à la fixation ultérieure du prix par le fournisseur En rejetant la nullité pour favoriser d'autres sanctions, la Cour de cassation opère un glissement vers le contentieux de l'exécution, ce qui n'est pas sans conséquence en ce qui concerne le rôle du juge (II). [...]
[...] A' L'abus dans la fixation du prix ; une clé de voûte encore obscure L'arrêt soumis à notre étude s'insère dans la continuité des décisions rendues en date du 1er décembre 1995, puisqu'il met en avant de nouvelles sanctions, fondée sur l'exécution du contrat et conditionné par la caractérisation d'un abus dans la fixation du prix Bien que cette formule soit redondante, à la fois dans les décisions précitées, mais également dans la jurisprudence ultérieure, son contenu n'en est pas moins flou. Certains auteurs ont même pris le pari que la Cour de Cassation se référera de manière rituelle à l'abus sans jamais ou presque le caractériser Les décisions rendues ultérieurement semblent leur donner raison. Les juges du Quai de l'Horloge se contentent en effet de censurer la nullité qui était prononcée par les juridictions d'appel en raison de l'indétermination du prix ou du procédé (à la discrétion du fournisseur) utilisé (arrêt de la chambre commerciale du 23 février 1999 96-22784). [...]
[...] Cette dernière condition a constitué un véritable écueil à l'épreuve de la pratique, que n'ont pas évité la plupart des fournisseurs, qui se contentaient de faire référence aux tarifs ultérieurement fixés dans leurs conventions-cadres. De nombreux contrats ont alors été annulés, ce que la doctrine a très largement contesté, remarquant que cette tendance mènerait à une impasse, le droit étant trop peu en phase avec la pratique économique. Ces critiques ont mené à un revirement de jurisprudence attendu, le 1er décembre 1995, dans lequel s'inscrit l'arrêt soumis à notre étude. En l'espèce, M. X conclut un contrat de franchise avec M. Y. [...]
[...] Pour la Cour de Cassation, si l'indétermination du prix n'affecte pas la validité du contrat, la fixation d'un procédé, contesté par la suite, ne permet pas non plus d'affecter la formation du contrat elle-même. Sur ce point, la Cour de Cassation étoffe donc sa solution. Elle permet à une partie de fixer unilatéralement un prix. Une solution peut-elle être admise alors que la pensée traditionnelle conduit à penser que le contrat est le fruit de deux parties, de deux volontés ? La réponse nous semble être positive. D'abord, unilatéral n'est pas synonyme d'arbitraire. Un prix peut en effet être fixé par une seule des parties tout en évitant l'écueil de l'arbitraire. [...]
[...] Commentaire d'arrêt Assemblée Plénière, 1er décembre 1995 (91-15578) TD Civil Contrats Spéciaux Semestre 6 Pour A. Seriaux, le contrat doit être un haut lieu de sociabilité et d'amitié où chacune des parties tâche de rendre justice à l'autre (Droit des Obligations, PUF). Cette vision prévalait déjà dans l'esprit des codificateurs pour qui le contrat, fruit de la négociation libre et éclairée des parties ne pouvait qu'être équilibré. Cependant, la pratique démontre que de nombreuses difficultés peuvent survenir dans les relations contractuelles, notamment lorsque les deux parties ne se situent pas sur un même pied d'égalité, comme c'est le cas dans les relations commerciales, nouées entre un fournisseur et son client. [...]
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