Commentaire arrêt 3è civ 7.05.08 7 mai 2008 troisième chambre civile offre rétractation pollictation délai
L'offre se définit comme une manifestation unilatérale de volonté de la part d'une partie, qui indique les conditions auxquelles elle propose de s'engager. Selon la jurisprudence, l'offre doit ainsi être ferme, précise, et non équivoque. En revanche, elle peut, indifféremment, s'adresser à une personne déterminée ou « au public ». L'acceptation de cette offre peut, quant à elle, être expresse ou tacite mais dans tous les cas, elle doit être explicite et pure et simple, c'est-à-dire sans réserve.
L'offre se distingue notamment de la promesse et du contrat unilatéraux qui, eux, supposent deux parties, bien qu'une seule ne soit débitrice d'obligations (exemple de la promesse de vente, de la donation...). Bien qu'elle ne concerne qu'une personne, le pollicitant, l'offre peut tout de même soulever des difficultés en pratique, notamment lorsque se pose la question de sa rétractation, comme c'est le cas dans l'arrêt de la Cour de Cassation du 7 mai 2008 soumis à notre étude.
En l'espèce, le 24 juin 2006, Mme X signe, par l'intermédiaire d'un agent immobilier, une proposition d'achat d'un immeuble appartenant aux consorts Y, assortie d'un délai et remet à ce titre un dépôt de garantie. Le 26 juin 2000, Mme X avertit ces derniers de la rétractation de son offre, tandis que le lendemain, par courrier également, les consorts Y informent Mme X de l'acceptation de son offre. L'offrant agit alors en justice pour obtenir restitution du dépôt de garantie préalablement versé et des dommages et intérêts. Les juges du second degré font droit à sa demande, constatant que la rétractation de l'offre a fait l'objet d'un courrier expédié avant que les consorts Y ne l'acceptent. Ainsi, la rencontre des consentements n'ayant pu avoir lieu, le contrat n'est pas formé, et le dépôt de garantie doit être restitué.
S'agissant d'un arrêt de cassation, les moyens au pourvoi ne sont pas mentionnés. La question posée à la Cour de Cassation est, en outre, d'autant plus difficile à cerner que la Haute Cour ne semble pas se placer dans la continuité du raisonnement soutenu par les juges du second degré. En effet, ceux-ci insistent sur l'appréciation du moment où la rétractation est intervenue, en comparaison avec celui de l'acceptation, en fonction des dates d'expédition des courriers, motivant dès lors leur décision sur la théorie de l'émission. Les juges du Quai de l'Horloge, quant à eux, soulignent bien plus l'existence d'un délai d'acceptation de l'offre pour justifier leur position.
Cette espèce permet aux juges de se prononcer sur la question de savoir si la rétractation d'une offre intervenue avant son acceptation empêche le contrat de se former.
[...] Par suite, la violation de cette obligation se résout en dommages et intérêts, en vertu de l'article 1142 du Code civil. Cette solution a été confirmée dans un arrêt du 25 mars 2009. En l'espèce, les juges de second degré avaient ordonné la réalisation forcée de la vente, malgré la rétractation du promettant. Cette sanction a été censurée par la Haute Cour. Seule une disposition expresse incluse dans la promesse de vente semblerait permettre la réalisation forcée de celle- ci. (Civ. 3ème 27 mars 2008). [...]
[...] Mais un arrêt de la troisième chambre civile du 20 mai 2009 (pourvoi 08-13230) semble changer la donne. Dans cette décision, la Cour de Cassation pose en effet le principe selon lequel un délai raisonnable d'acceptation est nécessairement contenu dans chaque offre, quand bien même elle ne ferait pas explicitement référence à un tel délai d'acceptation. Or, comme nous l'avons vu, la théorie soutenue par C. Demolombe conduit à considérer qu'une offre faite avec délai induit un contrat par le jeu de différents artifices juridiques. [...]
[...] Par ailleurs, la pérennité de la solution française se pose puisque les différents projets de réforme du droit des obligations (le projet Catala et le projet de la Chancellerie) préconisent de se rallier à la théorie retenue en droit international. Bien que critiquable, cette solution conditionne la suite du raisonnement de la Cour de Cassation, qui semble donner force exécutoire à l'offre faite avec délai, puisque c'est sous le visa de l'article 1134 du Code civil qu'est rendue la décision. [...]
[...] La première justification que l'on peut retenir est à trouver dans une thèse soutenue par C. Demolombe, qui, par une fiction juridique, réussit à donner à l'offre un caractère bilatéral. Lorsqu'une offre est faite avec délai, ce sont en réalité deux offres qui se superposent. L'une concernant le futur contrat, l'offre d'achat d'un bien immobilier par exemple, la seconde concernant le délai. Cette dernière étant faite dans l'intérêt exclusif du bénéficiaire, c'est-à-dire de l'acceptant, son silence, quant à cette offre, vaut acceptation. [...]
[...] En l'espèce, une offre était faite avec délai. Pendant ce délai, l'offrant décède, et le bénéficiaire accepte l'offre, après le décès mais avant l'expiration du délai d'acceptation. La Cour de Cassation, au visa de l'article 1134 du Code civil, refuse alors, du fait du délai, de considérer l'offre comme caduque mais affirme qu'elle a été transmise aux héritiers, ce qui suppose, dès lors, la formation du contrat. L'arrêt soumis à notre étude semble donc s'inscrire dans cette tendance. S'il reprend un attendu déjà ancien, son visa l'insère dans un courant plus moderne, mais surtout, cette référence à l'article 1134 interroge. [...]
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