Commentaire d'arrêt, 3e Chambre civile, Cour de cassation, 15 décembre 2010, vileté du prix
Un proverbe indien dit « trompe-moi sur le prix, ne me trompe pas sur la marchandise ». Cette conception est rejetée en droit français, car pour qu'une vente soit valide, il faut un juste prix. Le prix, dans certaines ventes, peut être lésionnaire, voire dérisoire. Auparavant, les juges ne distinguaient que rarement la vente lésionnaire de la vente dérisoire. Avec cet arrêt, il semble que cette distinction soit définitivement établie
Un emprunteur a souscrit 2 prêts par acte authentique pour un total de 10 millions de francs garantis par un bien immeuble lui appartenant. Il a, le même jour, souscrit aux profits des prêteurs une promesse unilatérale de vente de ce bien immeuble afin de compenser les prêts qu'il devait rembourser aux prêteurs.
Par la suite, l'acquéreur a reconnu devoir aux prêteurs 4 millions de francs. Ces derniers ont donc conclu avec l'emprunteur un « acte de rétrocession » prévoyant la revente du bien immeuble au profit de l'emprunteur avec un prix de 14 millions de francs pour rembourser la totalité des sommes dues aux prêteurs. L'emprunteur n'étant pas parvenu à rembourser les prêteurs dans les délais, la vente du bien immeuble a été réitérée par l'acte authentique.
[...] Dans cet arrêt la Cour de cassation a du s'interroger sur la validité de la demande de l'emprunteur en nullité de la vente pour vileté du prix , bien que le délais de 2 ans pour introduire une demande en nullité d'une vente pour cause de lésion de plus de sept douzième était expiré. Et plus largement, la question soulevé est de savoir si l'action en nullité d'une vente d'immeuble pour vileté du prix se confond ou non avec l'action en rescision pour lésion de plus de sept douzième prescrite après un délais de 2 ans prévu par l'article 1676 du Code civil. [...]
[...] II - La volonté de faciliter l'action de la nullité de la vente en général Il évident que passer par la rescision pour lésion pour annuler une vente apporte de lourdes contraintes, de ce fait, la cour de cassation en la distinguant de l'action en nullité pour vileté du prix beaucoup plus aisée à mettre en place, facilite l'annulation de la vente( cette action gagne ainsi en autonomie A - La facile mise en ouvre de la nullité de la vente pour vileté du prix à travers le délais de prescription - un délais de prescription différent de celui de l'action en rescision pour lésion Le délais de prescription prévu à l'article 1767 pour la rescision pour lésion est de 2 ans. Ainsi, puisque cette action est distincte de l'action en nullité pour prix vileté, ce délais n'est pas applicable à cette dernière. C'est que déclare la Cour de cassation : l'action en nullité pour vileté du prix ( . ) n'est pas soumise à la prescription ( . [...]
[...] L'emprunteur a donc assigné les prêteurs en nullité de la vente et ces derniers ont alors demandé la nullité du contrat de rétrocession et la condamnation de l'emprunteur aux paiements des sommes dues en raison des prêts et à des dommages et intérêts. Le 15 juin 2009, la cour d'appel de Basse-Terre a débouté l'emprunteur de sa demande en nullité de la vente pour vileté au motif que le délai de 2 ans étant expiré, elle n'était plus recevable. Elle se fonde sur l'article 1676 du Code civil en vertu duquel la demande en rescision pour lésion de plus de 7/12ème dans le prix d'un immeuble n'est plus recevable après l'expiration de deux années à compter du jour de la vente. [...]
[...] Auparavant, seul la rescision pour lésion était véritablement invoquer, désormais l'action en nullité pour vileté du prix est pleinement à la disposition de quiconque y a un intérêt - la construction d'un délais spécifique à l'action de la nullité de la vente pour vileté du prix La prochaine étape se tourne peut être vers la construction d'un délais spécifique pour l'action de la nullité de la vente pour vileté du prix car pour le moment, ce délais est rattaché au délais de droit commun de 5 ans prévu à l'article 2224 du code civil. L'apparition d'un nouveau délais qui colle véritablement à la pratique ne parait pas impossible. [...]
[...] D'autres éléments montrent que cette action tend à se démarquer de la rescision pour lésion. B - vers l'autonomie de l'action en nullité pour vileté du prix 1 - la nullité du prix pour vileté, une nullité absolue Cette idée émise par par Frédérique Cohet-Cordey trouve ses arguments dans le fait que la nullité de la vente pour vileté du prix est une nullité absolue, l'objet et la cause étant inexistant. Ainsi ceux qui y ont intérêt peuvent l'invoquer ( pas seulement le vendeur mais l'ordre public par exemple ) contrairement à la rescision pour lésion qui est une nullité relative touchant simplement à l'équilibre du contrat. [...]
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