Cassation, 29 juin 2010, clause limitative, cause
Comme le dit Henri Capitant, « Si le contractant s'engage, ce n'est pas seulement pour obtenir que l'autre s'oblige de son côté. Les deux obligations corrélatives ne sont qu'un premier stade destiné à préparer le résultat définitif qui est l'exécution des prestations promises ».
En l'espèce, la société Faurecia a souhaité en 1997 faire l'acquisition d'un logiciel de la société Oracle. Ce logiciel, ne pouvait pas être disponible avant septembre 1999, toutefois la société Faurecia s'est engagée à attendre, et la société Oracle s'est engagée à lui livrer le logiciel, et ceci à travers une série de contrats conclus entre mai et juillet 1998. La société Faurecia, ayant besoin d'un logiciel pour passer à l'an 2000 a mis en place une solution provisoire avec l'aide de la société Oracle. Ladite solution provisoire connaissant des problèmes, et le logiciel n'arrivant pas, la société Faurecia a cessé de payer les redevances qu'elle devait à la société Oracle, avant de l'assigner en nullité pour dol ou résolution pout inexécution de l'ensemble des contrats.
Après un premier jugement devant le Tribunal de Grande Instance, l'affaire a fait l'objet d'un procès en appel où la société Faurecia a été en partie déboutée. Cette dernière a donc formé un pourvoi en Cassation devant la Chambre commerciale, financière et économique le 13 février 2007, qui casse partiellement l'arrêt de la Cour d'Appel, et renvoie l'affaire devant une autre Cour d'Appel. La Seconde Cour d'Appel, ayant statuée le 26 novembre 2008, n'a pas suivit la Cour de Cassation. L'affaire fait donc l'objet d'un second pourvoi en Cassation, qui est l'arrêt de rejet étudié de la Chambre commerciale du 29 juin 2010, et qui marque la fin de la « saga Faurecia ».
Peut-il y avoir absence de cause ? La clause limitative de réparation peut-elle contredire la portée de l'obligation essentielle ? Y-a-t-il manquement à une obligation contractuelle ?
Pour la Cour de Cassation, « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur ; que l'arrêt relève que si la société Oracle a manqué à une obligation essentielle du contrat, le montant de l'indemnisation négocié aux termes d'une clause stipulant que les prix convenus [...] n'était pas dérisoire, [...] que le contrat prévoit que la société Faurecia sera le principal représentant européen [...] ; que la cour d'appel en a déduit que la clause limitative de réparation ne vidait pas de toute substance l'obligation essentielle de la société Oracle et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé » ; mais aussi que « la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ; que le moyen n'est pas fondé ».
Afin d'analyser cette décision, il convient d'étudier dans un premier temps si la clause limitative de responsabilité est impraticable en cas d'obligation essentielle (I), puis dans un second temps si la clause limitative de responsabilité est impraticable en cas de faute lourde (II).
[...] En l'espèce, La Cour de Cassation confirme l'arrêt de la Cour d'Appel. Les deux Cours considèrent qu'Oracle a certes manqué à une obligation essentielle, mais il a néanmoins été jugé qu'était non dérisoire la clause limitative de responsabilité. B La non suffisance d'un manquement à une obligation essentielle La Cour d'Appel de Paris, le 26 novembre 2008, a jugé que le seul manquement à une obligation essentielle ne suffisait pas à entrainer la non application de la clause limitative de responsabilité : que la cour d'appel en a déduit que la clause limitative de réparation ne vidait pas de toute substance l'obligation essentielle de la société Oracle Cette appréciation est en l'espèce reprise par la Cour de Cassation. [...]
[...] La clause limitative de réparation peut- elle contredire la portée de l'obligation essentielle ? Y-a-t-il manquement à une obligation contractuelle ? Pour la Cour de Cassation, seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur ; que l'arrêt relève que si la société Oracle a manqué à une obligation essentielle du contrat, le montant de l'indemnisation négocié aux termes d'une clause stipulant que les prix convenus [ ] n'était pas dérisoire, [ ] que le contrat prévoit que la société Faurecia sera le principal représentant européen [ ] ; que la cour d'appel en a déduit que la clause limitative de réparation ne vidait pas de toute substance l'obligation essentielle de la société Oracle et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ; mais aussi que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ; que le moyen n'est pas fondé Afin d'analyser cette décision, il convient d'étudier dans un premier temps si la clause limitative de responsabilité est impraticable en cas d'obligation essentielle puis dans un second temps si la clause limitative de responsabilité est impraticable en cas de faute lourde (II). [...]
[...] En revanche, pour Faurecia, cela semble plus injuste, car elle attend toujours son logiciel. Le manquement à l'obligation essentielle bien que vérifié n'a pas permis de faire barrière à la clause limitative de responsabilité que ce soit sur le fondement de la cause ou de la faute lourde. [...]
[...] Le premier facteur, c'est que l'indemnisation est non dérisoire, et rembourse presque la moitié du prix à la société Faurecia : le montant de l'indemnisation négocié aux termes d'une clause stipulant que les prix [ n'était pas dérisoire, que la société Oracle a consenti un taux de remise de En outre, La Cour de Cassation retient qu'au-delà d'une licence de logiciel, les parties avaient envisagé un partenariat commercial et donc un risque partagé. Le contrat était important, puisqu'il prévoyait que la société Faurecia serait le principal représentant au niveau européen pour mener une étude globale de développement des produits Oracle sur le marché des entreprises automobiles. Par conséquent, en acceptant ce partenariat la société Faurecia aurait du être prudente face aux risques qu'il pourrait engendrer. Si le logiciel Oracle échoue, la société Faurecia échoue également. Enfin, cette clause avait été librement négociée et acceptée par les parties. [...]
[...] La société Faurecia ne rapportait pas la preuve d'une faute d'Oracle d'une gravité telle qu'elle devait ainsi faire échec à la clause limitative de responsabilité. En outre, la société Oracle, en concluant un tel contrat, ne pensait pas échouer dans la livraison du logiciel. L'objet de la société en question était donc réel, puisqu'elle pensait réellement pouvoir honorer son contrat. Il n'en n'aurait pas été de même si d'avance elle aurait su qu'elle ne livrerait pas le logiciel. Pour Oracle, cette décision semble juste, car elle ne pouvait savoir que son projet échouerait. [...]
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