17 juin 2010, Le lien de causalité, cassation, commentaire
L'affaire AZF a été très médiatisée et a fait l'objet de nombreux procès. Dans un jugement du TGI de Toulouse, rendu par la 3ème Chambre le 19 novembre 2009, la relaxe a été prononcée contre l'ensemble des prévenus, car selon les juges du fonds, les fautes reprochées ne s'inscrivaient pas dans un lien de causalité certain avec les dommages. Néanmoins, la responsabilité de l'un des prévenus a été retenue étant donné qu'il était considéré comme gardien de la substance chimique à l'origine des dommages.
En l'espèce, l'usine AZF de Toulouse, appartenant à la société Grande Paroisse, une filiale de Total, a subit une explosion le 21 septembre 2001. Cette explosion a engendré des dégâts très importants sur le site, mais aussi sur les sites industriels voisins, les sociétés GP et SNPE, qui exploitaient la chimie du phosgène, produit très dangereux. Du fait de cet accident, la société Grande Paroisse a accepté d'indemniser les victimes. Toutefois, suite à l'explosion, un arrêté préfectoral d'urgence a été pris, qui consistait à interrompre la production des deux usines voisines. Par deux reprises, la SNPE a demandé la levée partielle de l'arrêté de suspension. Le juge administratif a alors, le 10 juillet 2002 rendu une ordonnance suspendant la décision du préfet, mais cette ordonnance est restée inappliquée car, dès le 1er juillet 2002 le gouvernement a demandé l'interruption définitive de la production de phosgène.
Par conséquent, les sociétés mitoyennes du site AZF ont assignés les sociétés Grande Paroisse et Total en indemnisation de leur préjudice matériel et immatériel du fait de l'explosion, mais également du fait de la cessation de leur production. La Cour d'appel de Toulouse, le 9 septembre 2008, a débouté les sociétés voisines en écartant la responsabilité de la société Grande Paroisse pour les dommages résultant de l'interruption définitive de la production de phosgène. En effet, il n'y avait pas de lien de direct entre l'arrêt de la production de phosgène et l'explosion, et en outre, le préjudice revendiqué était prévisible et non détachable par rapport aux conséquences directes de l'explosion. Les sociétés Bayer Cropscience et la société BCS LP USA se pourvoient en cassation afin de voir annuler cet arrêt, car selon elles, la responsabilité des deux sociétés devrait être retenue car il existe bel et bien un lien de causalité entre l'explosion et la décision du gouvernement de cesser l'activité de phosgène.
Ainsi, la responsabilité des sociétés Grande Paroisse et Total peuvent-elles être retenue ? Par conséquent, existe-t-il un lien de causalité entre l'explosion du 21 septembre 2001 et l'interruption définitive des activités de phosgène ? La décision de l'Etat est-elle en lien avec l'explosion ?
Dans un arrêt de rejet du 17 juin 2010, la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation, a décidé que « la Cour d'appel, [...] a pu déduire que l'explosion du 21 septembre 2001 avait eu pour seule conséquence de contraindre la SNPE à suspendre son activité phosgène le temps nécessaire au contrôle de ses installations et qu'il n'existait pas de lien de causalité entre la décision d'arrêter la production du phosgène sur ce site et l'explosion ».
La Cour de cassation utilise le système de l'équivalence des conditions. C'est-à-dire que toutes les conditions qui ont été nécessaire à la réalisation du dommage, sont nécessaires pour causer l'élément dommageable. A défaut de l'une d'entre elle, le dommage ne se serait pas produit.
En l'espèce, la Cour de cassation pose deux conditions qui ne peuvent pas être séparées l'une de l'autre, et conclu à leur rejet respectif. Ainsi, elle rejette l'existence d'un lien de dépendance entre l'interruption de l'activité de phosgène et l'explosion (I), puis rejette le caractère prévisible et non détachable du préjudice par rapport aux conséquences directes de l'explosion (II).
[...] Commentaire d'arrêt L'affaire AZF a été très médiatisée et a fait l'objet de nombreux procès. Dans un jugement du TGI de Toulouse, rendu par la 3ème Chambre le 19 novembre 2009, la relaxe a été prononcée contre l'ensemble des prévenus, car selon les juges du fonds, les fautes reprochées ne s'inscrivaient pas dans un lien de causalité certain avec les dommages. Néanmoins, la responsabilité de l'un des prévenus a été retenue étant donné qu'il était considéré comme gardien de la substance chimique à l'origine des dommages. [...]
[...] Mais ce n'est pas directement l'explosion qui a conduit à l'interdiction du phosgène, mais ce sont les émois de la population suite à cette explosion qui ont nécessité cette mesure. Les conséquences de l'explosion ne sont qu'indirecte sur cette décision. Or, l'article 1151 du Code civil annonce que les dommages et intérêts dus ne sont que ceux qui résultent du dommage direct et immédiat. La Cour de cassation conclu donc, comme la Cour d'appel, qu'il n'existe donc pas de lien de causalité entre la décision de l'Etat et l'explosion de l'usine. [...]
[...] C'est-à-dire que toutes les conditions qui ont été nécessaire à la réalisation du dommage, sont nécessaires pour causer l'élément dommageable. A défaut de l'une d'entre elle, le dommage ne se serait pas produit. En l'espèce, la Cour de cassation pose deux conditions qui ne peuvent pas être séparées l'une de l'autre, et conclu à leur rejet respectif. Ainsi, elle rejette l'existence d'un lien de dépendance entre l'interruption de l'activité de phosgène et l'explosion puis rejette le caractère prévisible et non détachable du préjudice par rapport aux conséquences directes de l'explosion (II). [...]
[...] B Une qualification de produit dangereux sans lien avec l'explosion ? La Deuxième chambre civile approuve la décision de la Cour d'appel en affirmant qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la qualification du phosgène comme produit dangereux, et l'explosion. Le phosgène était auparavant déjà considéré comme dangereux, et l'explosion ne l'a pas découvert. Néanmoins cette décision est critiquable. Bien que la substance ait été déclarée dangereuse bien avant l'explosion, c'est l'explosion qui a révélé l'existence de ce produit dangereux pour une part de la population. [...]
[...] Les sociétés Bayer Cropscience et la société BCS LP USA se pourvoient en cassation afin de voir annuler cet arrêt, car selon elles, la responsabilité des deux sociétés devrait être retenue car il existe bel et bien un lien de causalité entre l'explosion et la décision du gouvernement de cesser l'activité de phosgène. Ainsi, la responsabilité des sociétés Grande Paroisse et Total peuvent- elles être retenue ? Par conséquent, existe-t-il un lien de causalité entre l'explosion du 21 septembre 2001 et l'interruption définitive des activités de phosgène ? La décision de l'Etat est-elle en lien avec l'explosion ? [...]
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