Pacte de préférence - revirement de jurisprudence - obligation nouvelle - régime particulier - substitution - avant-contrat
En droit positif français, la formation d'un contrat peut se réaliser par « coup de foudre contractuel », ou plus progressivement par l'utilisation de divers mécanismes, selon la valeur économique en jeu. L'avant contrat, très utilisé en pratique notamment lors de vente, permet la mise en place de la conclusion d'un futur contrat définitif. Fait parti de cette catégorie juridique, le Pacte de Préférence considéré comme étant le moins contraignant. Libchaner est même allé jusqu'à l'appeler « avant avant-contrat ». Néanmoins, bien qu'il facilite la conclusion d'un contrat, les juges sont parfois amenés à se prononcer sur son régime et ses effets juridiques.
Sujet sur lequel a été saisie la Cour de Cassation le 26 mai 2006 en sa Chambre Mixte. En l'espèce, le 13 février1957 a été dressé un acte de donation-partage avec pacte de préférence a attribué la propriété d'un bien immobilier situé à Haapiti à Mme Adèle A...Le 3 décembre 1985, une parcelle de cet immeuble a été transmise à M. RUINI A..., par une nouvelle donation-partage rappelant le pacte de préférence. Le 3 décembre 1985, M. RUINI A...l'a vendu à la SCI EMERAUDE, par acte de M. Z...notaire. Par conséquent, en 1992 Mme Y...a demandé sa substitution dans les droits de l'acquéreur et subsidiairement le paiement de dommage et intérêt. Le 13 février 2003, la Cour d'Appel de Papeete a rejeté la demande tendant à obtenir une substitution dans les droits de la SCI EMERAUDE. Mme Y...a formé un pourvoi en cassation au premier moyen que l'obligation de faire ne se résout en dommage et intérêt que lorsque que l'exécution en nature est impossible, que sinon la réparation doit se faire en nature et qu'il appartient au juge de prendre une décision valant vente entre les parties au litige, par conséquent la Cour d'Appel a fait une fausse application et violé l'article 1142 du Code Civil. Au second moyen, que le pacte de préférence a pour objet de d'obliger le vendeur d'un immeuble à proposer la vente d'abord au bénéficiaire du pacte, comme un droit de préemption et donc comme une obligation de donner dont la violation devrait entrainer l'inefficacité de la vente conclue et substitution du bénéficiaire à l'acquéreur, que cette substitution est la seule exécution entière et adéquate du contrat, en la refusant la Cour d'Appel a violé les articles 1134, 1138 et 1147 du Code Civil. Au troisième moyen, qu'en matière immobilière les droits accordés sur un immeuble sont applicables aux tiers à partir de la publication à la Conservation de Hypothèques, que la condition, selon laquelle le prononcé de la vente est subordonnée à l'existence d'une faute de l'acquéreur, est inutile, par conséquent la Cour d'Appel a violé les articles 28, 30, 37 du décret du 4 janvier 1955. Le 26 mai 2006, la Cour de Cassation saisie de cette demande, réunie en sa Chambre Mixte, a rejeté le pourvoi.
La question qui s'est alors posée au Hauts Magistrats était de savoir si le bénéficiaire d'un Pacte de Préférence, lésé dans une vente conclue entre le promettant et un tiers, pouvait se substituer dans les droits du tiers.
Le 26 mai 2006 la Chambre Mixte de la Cour de Cassation a affirmé que : «Mais attendu que, si le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, c'est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir ».
Néanmoins, la preuve de la connaissance pas le tiers de l'intention du bénéficiaire de se prévaloir de son droit n'ayant pas été rapportée, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi.
Cela signifie donc que les juges de la Haute Juridiction ont admis que la sanction du non respect du Pacte de Préférence pouvait se matérialiser par le mécanisme de la substitution (II), découlant alors d'une obligation de donner, nouvelle forme d'obligation imputable à cet avant-contrat (I).
[...] Cela signifie donc que si M. RUINI A se décide à conclure, s'est engagé par la donation-partage à proposer d'abord à Mme A la conclusion du contrat de vente portant sur le bien. Elle doit donc être préférée à tout acquéreur potentiel. Le promettant est donc soumis à l'obligation de proposer en priorité à son bénéficiaire, donc il est contraint à une obligation de faire Le Pacte de Préférence, obligation de faire En vertu de l'article 1142 du Code Civil : Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part de débiteur L'inexécution d'une telle obligation cause un préjudice au cocontractant lésé, lequel est réparé en dommages et intérêts. [...]
[...] Les tiers doivent alors respecter la relation juridique créée. L'alinéa 1 de l'article 1134 du Code Civil quant à lui consacre le principe de la force obligatoire des contrats, puisqu'en effet : les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites Les parties doivent donc respecter le contrat qui les lie. En cas de non-respect d'un pacte de préférence, depuis le revirement de jurisprudence deux situations sont à distinguer. Soit le tiers acquéreur est de bonne foi, est applicable entre lui et le vendeur le principe de l'effet relatif des contrats, du coup le lien juridique entre le vendeur promettant et le bénéficiaire n'est pas respecté et cela déroge à la force obligatoire des contrats. [...]
[...] Régime auquel était soumis le promettant d'un pacte de préférence. En effet, la jurisprudence traditionnelle à de nombreuses fois affirmée que le pacte de préférence était assorti d'une obligation de faire, laquelle se résolvant en dommages et intérêts (Civ décembre 1993 ; Civ 30 avril 1997, Civ 28 octobre 2003 par exemples). Mme Y a demandé, en 1992, sa substitution dans les droits de l'acquéreur et, subsidiairement, le paiement de dommages-intérêts la Cour d'Appel a rejeté sa demande de substitution mais lui a accordé des dommages-intérêts. [...]
[...] Le but était simplement d'annuler la vente établie avec un tiers pour ne pas déroger à un certain équilibre (Req avril 2002). Cependant, une brèche a été ouverte concernant la substitution du bénéficiaire au tiers, puisqu' en cas de concert frauduleux, les juges ont laissé entrevoir la possibilité d'une substitution (Com mars 1989). Cependant, en dehors de cette hypothèse, la Cour de Cassation était stricte puisqu'elle considérait que bien que les juges disposent d'une liberté dans la fixation de la réparation qui leur parait le plus approprié, ils n'ont néanmoins le pouvoir d'autoriser une substitution du bénéficiaire d'un pacte de préférence au tiers acquéreur (Civ mai 1957). [...]
[...] Qu'ayant retenu qu'il n'était pas démontré que la société Emeraude savait que Mme Y avait l'intention de se prévaloir de son droit de préférence, la cour d'appel a exactement déduit de ce seul motif, que la réalisation de la vente pouvait être ordonnée au profit de la bénéficiaire du pacte En l'espèce, les juges refusent de mettre en place le mécanisme de la substitution car il considère que l'une des conditions n'est pas remplie. Les juges ont opéré un revirement de jurisprudence mais qui en l'espèce ne touche pas les parties car celles-ci ne répondent pas aux conditions prévues. C'est la technique de l'arrêt blanc La solution a donc vocation à s'appliquer pour les solutions à venir. Cela prouve bien que les preuves requises sont délicates à amener et que ce mécanisme sera relativement difficile à mettre en place. [...]
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