Article 4, Code Civil, juge, déni de justice, Code Civil de 1804, Code Napoléon
« Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice.»
Le Code Civil de 1804, longtemps connu sous le nom de « Code Napoléon » est une œuvre magistrale dont aujourd'hui encore une grande partie est en vigueur, mais aussi d'actualité. Conçu sur l'ordre de Napoléon, il est principalement l'œuvre de 4 juristes : Portalis, Maleville, Tronchet et Bigot de Préameneu, qui ont su en faire un fruit du consensus, mais aussi poser des fondations très solides dans le droit civil européen, et surtout français.
Ses premiers articles, classés dans le chapitre des « lois en général » sont naturellement les plus importants, et notamment l'article 4 qui dispose que « le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice.». Ce placement n'est pas à prendre à la légère : il met en exergue l'importance déjà manifeste de l'article dans le domaine du droit civil : le déni de justice est grâce à lui proscrit, ce qui permet un accès de tous à la justice. C'est un gigantesque pas en avant qui réunit ainsi l'intégralité du peuple français sous la protection de la justice.
Le juge, qui traditionnellement disposait d'un pouvoir relativement important, se retrouve ainsi contraint de juger toutes les affaires relevant de sa compétence qui lui sont présentée, il ne peut refuser de statuer, il commettrait un déni de justice. Cette expression désigne une situation où un juge refuse de juger une affaire, alors qu'il est habilité à le faire, ou bien le retard excessif mis par des juges à statuer. La responsabilité de l'Etat est alors engagée pour faute lourde.
Plus de 200 ans après sa promulgation, le sens de cet article n'a été ni perdu, ni détourné, et il est toujours sur le devant de la scène juridique, pilier essentiel dans la construction de la justice française ; que nous apprend il sur les rapports entre le juge et la loi ? Que la loi ne cherche pas la perfection, mais s'appuie sur le juge (I) pour combler ses lacunes, un juge qui est armé dans sa lutte contre le déni de justice (II).
[...] Portalis apporte d'ailleurs la réponse au problème qui se pose alors : que faire en cas d'imprévu par la loi ? C'est au juge, pénétré de l'esprit général des lois, de les appliquer En effet, le juge a le devoir de trancher le litige en s'inspirant des principes généraux du droit, même si la loi est imparfaite, muette, ou désuète. Le juge, complément de la loi L'interprétation de la loi fait, grâce à cet article partie du devoir du juge. [...]
[...] Des inspirations et sources de droit diverses Le juge dispose d'une batterie de règles sociales à sa disposition dont il peut s'inspirer afin d'en tirer la solution au problème qui lui est soumis en cas de silence, d'obscurité ou d'insuffisance de la loi La doctrine en fait partie. Les nombreux livres que va lire un juriste au cours de sa vie vont lui permettre de travailler sa pensée et de trouver des solutions lui-même en s'inspirant de la loi. Certains auteurs ont longuement réfléchi sur divers thèmes, et le juge peut consulter ces ouvrages et s'en inspirer. Il y a aussi la coutume qui a régi une partie du droit français pendant des siècles donc beaucoup d'articles du code civil sont inspirés. [...]
[...] Elle reste donc une source fiable en cas de loi muette. Cependant la jurisprudence reste probablement la plus utilisée en cas d'insuffisance de la loi. Elle est la référence, car elle ramène directement à d'autres jugements similaires. Si un procès du même type a existé antérieurement et que toujours aucune règle de droit n'a été créée sur ce sujet, le juge peut donc se servir de la référence jurisprudentielle pour trancher le litige. On notera ainsi les phénomènes d'imitation ou de hiérarchie qui encourageront les juges soit à imiter leurs prédécesseurs, soit à se plier d'eux-mêmes à la jurisprudence de la cour d'appel ou de la Cour de Cassation afin d'éviter de voir son affaire rejugée. [...]
[...] Que la loi ne cherche pas la perfection, mais s'appuie sur le juge pour combler ses lacunes, un juge qui est armé dans sa lutte contre le déni de justice (II). Une loi ne cherchant pas la perfection mais s'appuyant sur le juge La loi est par principe incomplète selon Portalis, car elle se doit de rester générale, l'article 4 donne donc le rôle au juge de complément de la loi Une loi par principe incomplète La société et les mœurs évoluent rapidement. Le législateur ne peut donc pas tout prévoir à l'avance. [...]
[...] Et cela lui permet, entre autres, d'ajuster la loi en fonction du contexte, la loi prévoyant bien souvent des peines ajustables. Le juge a ainsi pour devoir de parer aux vides de la loi, là où il y en afin de trouver des solutions aux litiges qui lui sont présentés. Si le juge ne peut se prévaloir de l'insuffisance de la loi pour refuser de juger, c'est aussi en raison de l'existence de nombreuses sources qui peuvent lui permettre de compléter la loi. [...]
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