Force majeure, agression, transport ferroviaire, réparation, préjudice moral, SNCF
L'arrêt de rejet de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 23 juin 2011 envisage la question de l'admission de la force majeure en cas d'agression dans le cadre d'un transport ferroviaire.
En l'espèce, le passager d'un train est mortellement blessé par un autre passager. La mère de la victime assigne ce dernier ainsi que la SNCF en réparation de son préjudice moral.
La Cour d'appel de Grenoble, par un arrêt du 5 janvier 2010, rejette sa demande dirigée contre la SNCF.
[...] La Cour de cassation met fin à sa position très protectrice à l'égard des victimes. Une portée nuancée par des circonstances de fait favorables à la caractérisation de la force majeure M. le Professeur O. Gout (Recueil Dalloz 2012, p novembre 2010 - novembre 2011) s'interroge sur le point de savoir si cette décision a réellement pour effet s'assouplir la rigueur de la position qui prévalait jusqu'alors, ou si elle peut s'expliquer uniquement par les circonstances, le caractère irrationnel de l'agresseur échappant à toute mesure de prévention comme le relève la Cour d'appel approuvée par la Cour de cassation : « sans avoir fait précéder son geste de la moindre parole ou de la manifestation d'une agitation anormale » et « caractère irrationnel ». [...]
[...] Ainsi, les circonstances de l'espèce se prêtaient particulièrement bien à la réception de ce concept. Selon M. le Professeur J.-Ph. Bugnicourt, au regard de « l'inventaire des circonstances minutieusement énumérées par les juges », [ ] le message transmis par la Cour ne semble pas être celui que l'on croit : il n'est pas forcément de dire que la possibilité d'exonération est bien réelle, mais peut-être plutôt d'affirmer qu'elle est absolument exceptionnelle » (« La force majeure n'est plus virtuelle pour le transporteur ferroviaire », Revue Lamy Droit Civil – 2011). [...]
[...] Instaurer un contrôle à bord n'aurait pas eu pour conséquence de faire quitter le train à l'agresseur et compte tenu du caractère irrationnel et soudain de l'agression, la présence d'un contrôleur dans la voiture n'aurait pas pu empêcher l'événement. L'appréciation de l'irrésistibilité de la force majeure au cours de l'exécution du contrat Les juges ont constaté l'irrésistibilité de l'agression au moment de sa survenance, mais également en amont : en l'espèce, aucun comportement de l'agresseur ne laissait présager l'évènement dommageable : aucune « parole » ni « manifestation d'une agitation anormale ». [...]
[...] La Cour de cassation répond par l'affirmative, rejetant le pourvoi. Elle approuve en effet la Cour d'appel d'avoir estimé que le geste de l'agresseur, en raison de son caractère irrationnel, n'aurait pu être empêché ni par un contrôle des titres de transport à bord du train faute pour les contrôleurs d'être investis du pouvoir d'exclure du train un voyageur dépourvu d'un titre de transport, ni par la présence permanente d'un contrôleur dans la voiture ou toute autre mesure à bord du train. [...]
[...] La Cour de cassation a déjà retenu la force majeure pour des cas d'agressions dans des trains (Civ juillet 1974). Cependant, sa sévérité s'est accrue ces dernières années, refusant de retenir la force majeure dans un cas similaire : dans un arrêt du 12 décembre 2000, la Cour de cassation a par exemple refusé d'exonérer la SNCF de sa responsabilité dans des circonstances similaires, l'agresseur ayant été en état d'ébriété et démuni de titre de transport. La Cour de cassation avait alors refusé de retenir l'imprévisibilité de l'agression car des rondes n'avaient pas été effectuées par des contrôleurs pour assurer la sécurité des voyageurs. [...]
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