Fait personnel de l'infans, responsabilité de l'infans, faute objective
Une enfant de 8 ans est confiée pour une soirée à un adulte. Cette enfant a couru dans la maison et a heurté brutalement le fils mineur de l'adulte qui portait une casserole d'eau bouillante. L'enfant a subi des brûlures, à la suite desquelles sa mère demande réparation pour son préjudice à l' adulte responsable de sa surveillance et à son assureur.
Appel est interjeté auprès de la cour d'appel de Besançon qui rend un arrêt confirmatif du jugement de première instance le 27 janvier 1994. La cour d'appel retient l'entière responsabilité de l'adulte responsable de la surveillance de la victime et exclut toute faute de la part de la victime. La cour d'appel affirme en effet que «le comportement de l'enfant, compte tenu de son jeune âge, ne peut être considéré comme constituant une faute ayant concouru à la réalisation de son dommage puisqu'il était parfaitement prévisible et naturel dans le contexte au cours duquel il s'est produit». La cour d'appel s'appuie ainsi sur le jeune âge de l'enfant pour rejette sa faute.
Un pourvoi en cassation est formé sur un moyen unique pris en ses deux branches.
L'infans victime peut-il être tenu responsable pour faute alors qu'il n'a pas conscience du danger de ses actes?
La Cour de cassation répond qu'un enfant peut effectivement être responsable pour faute alors qu'il n'a pas conscience du danger de ses actes. Elle casse et annule l'arrêt de la cour d'appel de Besançon au visa de la violation de l'article 1382 du code civil. La cour de cassation pose en attendu de principe que «la faute d'un mineur peut être retenue à son encontre même s'il n'est pas capable de discerner les conséquences de son acte». Elle retient donc la faute de la victime et énonce que le comportement de celle-ci concourrait à la réalisation du dommage. L'affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Dijon.
[...] L'assurance, vecteur de l‘objectivation Cette extension de la responsabilité à l'infans pose un problème. La responsabilité des enfants est distincte de celle des parents, c'est l'assurance de responsabilité qui prendre en charge le poids de la responsabilité, afin qu'il ne soit pas trop lourd pour les parents. Ainsi, il y a un effacement du responsable derrière l'assurance. In fine, l'assurance de responsabilité serait le vecteur de cette objectivation de la faute. Mais cette justification n'emporte pas pleinement conviction parce que, précisément, si l'assurance est de nos jours généralisée, elle n'est pas obligatoire. [...]
[...] Ainsi, la victime serait victime de son propre fait, de sa propre faute. Mais la cour de cassation ne statue que sur l'élément matériel de la faute en affirmant que le comportement de l'enfant en l'espèce constitue une faute. L'élément matériel vise le comportement répréhensible. Toute faute stigmatise un comportement et constitue un acte asocial qui renvoie à la manière dont l'individu a agi. En l'espèce, l'acte asocial de l'enfant est le fait d'avoir couru dans une maison et heurté une casserole d'eau bouillante. [...]
[...] Elle retient donc la faute de la victime et énonce que le comportement de celle-ci concourrait à la réalisation du dommage. L'affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Dijon. La cour de cassation consacre une approche objective de notion de faute, c'est-à-dire une faute expurgée de son élément moral, qui est la conscience que l'individu a de ses propres actes. La cour de cassation s'attache d'abord à caractériser la faute du mineur en n'hésitant pas à adopter une approche moderne de la notion de faute se faire (II). [...]
[...] C'est caractéristique de l'appréciation in abstracto. Ensuite, elle vise en attendu de principe faute du mineur», sans préciser si il s'agit du mineur en bas âge. Il est en effet une grande différence entre le mineur de 5 ans et le mineur de 17 ans sur le plan de la conscience. Alors que la cour d'appel qui, pour rejeter la faute de la victime mineure, avait pris en compte son âge («compte tenu de son âge»). L'appréciation faite de la faute par les juges de droit est une appréciation faite in abstracto encore une fois: le juge apprécie la faute en se fondant uniquement sur des notions abstraites, sans qu'il n'ait à prendre en considération les faits qui lui sont soumis, sans prendre en considération le sexe ou l'âge de la victime. [...]
[...] L'infans va voir sa responsabilité mise en jeu sur un simple examen de conduite et pas sur un examen de conscience. On comprend qu'il puisse être difficile de savoir quand un enfant a conscience des conséquences de ses actes. Peut-être faudrait-il établir un seuil d'âge à partir duquel l'enfant serait considéré ayant suffisamment de discernement pour que ses actes lui soit imputable, bien qu'il soit difficile d'établir une telle frontière quand la conscience renvoie étroitement à la personnalité de l'enfant. [...]
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