Arrêt, Cour, Cassation, Assemblée, Plénière, 7, mai, 2004
« Le poids des photographes, le choc des propriétaires », tel est l'intitulé que Nadège Reboul Maupin donne à l'arrêt rendu par la Cour de cassation siégeant en Assemblée plénière le 7 mai 2004.
En l'espèce, la reproduction de la façade de l'Hôtel de Girancourt (Rouen) avait été insérée dans un dépliant publicitaire destiné à promouvoir une future résidence immobilière. L'autorisation du propriétaire de l'hôtel (une Société Civile Professionnelle) n'avait pas été sollicitée. Ce dernier demanda alors au promoteur immobilier (la société SCIR Normandie) réparation du préjudice qu'il prétendait avoir subi du fait de l'exploitation de l'image de son bien. L'agence de publicité (la Société Publicis) ayant réalisé le dépliant fut appelée en garantie. Mais la SCP Hotel Girancourt fut déboutée de sa demande en première instance, ce que confirma la Cour d'appel de Rouen le 31 octobre 2001. En effet cette dernière précisa dans un premier temps que « le droit de propriété n'est pas absolu et illimité et ne comporte pas un droit exclusif pour le propriétaire sur l'image de son bien ». La Cour d'appel fit ensuite état de la nécessité, pour le demandeur, de démontrer l'existence d'un préjudice en indiquant que celui-ci ne saurait résulter de la seule reproduction de l'image du bien sans l'accord du propriétaire. Et elle conclut à l'absence d'une telle démonstration. C'est pourquoi la SCP Hotel de Girancourt forme un pourvoi en cassation, en reprochant à la Cour d'appel de ne pas avoir reconnu que le droit de propriété a un caractère absolu, conduisant à reconnaitre à la SCP le monopole d'exploitation de son bien. En effet, la Cour d'appel affirme que « le droit de propriété n'est pas absolu et illimité et ne comporte pas un droit exclusif pour le propriétaire sur l'image de son bien. », ce qui, selon la SCP, serait contraire à l'article 544 du code civil. D'autre part, cette dernière reproche également à la Cour d'appel de ne pas avoir pris en compte le préjudice qui lui était causé, alors même qu'elle avait fait un effort considérable pour la restauration de l'hôtel, restauration ayant donc profité à la SCIR au travers de ses dépliants publicitaires.
[...] En effet, alors que pendant plusieurs années la jurisprudence avait l'habitude de faire prévaloir les intérêts et les droits des propriétaires sur ceux des photographes, la tendance semble s'inverser depuis cet arrêt. Désormais ce que l'œil voit, l'appareil doit pouvoir le photographier (Nadège Reboul Maupin). Ainsi cette solution libérale, qui semble être une belle victoire pour le monde de la photographie et de la publicité, renverse toute la lignée jurisprudentielle antérieure en faisant défaut au pouvoir exclusif du propriétaire sur l'image de son bien. [...]
[...] Elle s'interpose comme une réalité d'un autre ordre et ne suit plus. L'image va donc se détacher du bien pour devenir une deuxième chose, qui a son existence propre. D'un côté il existerait le bien, et d'un autre l'image de ce bien, celle-ci étant indépendante de ce dernier car ne relevant pas de lui. En effet, l'image peut toujours exister, alors que le bien a été détruit (et inversement).Ils relèveraient donc de deux réalités différentes, complètement autonomes. Ce qui expliquerait peut être que le droit français est entré dans l'ère de l'image qui circule et de son commerce. [...]
[...] A ce moment là, le pouvoir absolu du propriétaire sur son bien lui permettrait d'avoir un droit exclusif sur toutes les formes et manifestations possibles de ce bien (propriété sur l'odeur de son jardin ce qui semblerait plutôt être exagéré voire abusif . Or selon Christophe Caron, Le propriétaire ne vit pas, tel un Robinson Crusoë, sur une île déserte. Il ne peut donc faire sienne la formule de Marcadé selon laquelle il serait " maître et seigneur de la chose.» Suite à la solution rendue dans cet arrêt, il est logique que le propriétaire s'inquiète et que le photographe se réjouisse de la nouvelle liberté qui lui est reconnue. [...]
[...] Mais il ne suffit pas de supposer l'existence d'un tel trouble. Il faut qu'il soit réellement prouvé. Or le fait de mettre cette preuve à la charge du propriétaire du bien dont l'image a été utilisée engendre selon Christophe Caron un redoutable obstacle probatoire : le propriétaire ne pourra se plaindre sans avoir mal Au contraire, pour d'autres auteurs comme Christian Atias, aucune preuve ne devrait être rapporté par le propriétaire, car La propriété est par nature une situation juridique normale, ordinaire, commune ; elle doit être défendue comme telle et sans demander compte au propriétaire d'un quelconque trouble. [...]
[...] Mais cette dernière n'avait pas consenti à la publication de cette image. La Cour de cassation, dans cette affaire, semblait admettre que pour interdire la publication et l'exploitation de cette photographie, il fallait démontrer en quoi celle-ci portait un trouble certain au droit d'usage ou de jouissance du propriétaire Ainsi, dans notre arrêt de 2004, la Cour de cassation semble s'appuyer sur ce qu'elle avait dit en 2001, en reprenant le terme trouble qu'elle qualifie désormais d' anormal pour que l'utilisation de l'image soit contestée. [...]
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