Issus de lois promulguées dans les années 1960, à trois années d'intervalles, l'article 1751 du Code civil d'abord, l'article 215 alinéa 3 ensuite, assurent une protection du logement de la famille en obligeant les époux à agir de concert. La comparaison de ces deux textes découvre des différences d'ordre substantiel qui tendent à s'estomper. Outre les rares chevauchements, ces dispositions présentent des analogies d'ordre fonctionnel qui les rapprochent. Ces convergences sont considérables, au regard des textes nouveaux qui modifient les procédures civiles d'exécution : insaisissabilité, nullité du pacte commissoire dans une hypothèque portant sur l'immeuble affecté au logement de la famille ; interdiction légale de l'attribution judiciaire de la propriété du bien grevé d'une hypothèque.
[...] Fidèle à ce souvenir, la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant ajoute un alinéa 3 à l'article 1751 du Code civil, qui tire les conséquences de la cotitularité du bail d'habitation en énonçant que le conjoint survivant jouit d'un droit exclusif sur ce bail. Cette loi de 2001 n'a pas modifié la lettre de l'article 215 alinéa 3 du Code civil, mais le contenu des articles 763 et 764 en constitue le prolongement, comme l'énonce l'alinéa 3 de l'article 763. [...]
[...] Avant le mariage, c'était un droit personnel ; après le mariage, il est devenu un bien indivis. La qualification d'indivision a été retenue par la Cour de cassation (Cass., civ. 3e janvier 1993), car elle transcende la distinction entre les biens propres et les biens communs, fidèlement à toute règle du régime primaire. Par contraste, le législateur de 1965 a retenu une formule ample et souple pour désigner tous les droits par lesquels est assuré le logement de la famille. [...]
[...] Au regard de l'article 215, alinéa du Code civil, le logement de la famille demeure saisissable, pourvu que soit réel le droit par lequel est assuré le logement de la famille. Saisir un droit personnel, s'agissant d'un bail aurait bien peu de sens, car il s'agirait d'imposer une charge non négociée au bailleur. La question de l'insaisissabilité du logement de la famille est, dans cette même perspective, étrangère à l'article 1751 du Code civil. B Protéger le conjoint survivant. La mort d'un époux dissout le mariage et ôte toute signification à la cogestion. [...]
[...] D'abord, les articles 215, alinéa 3 et 1751 du Code civil ne rendent pas le logement insaisissable ; ensuite l'indisponibilité qu'elle crée a tendance à se prolonger par-delà le démariage pour cause de décès A Ne pas rendre le logement insaisissable. L'insaisissabilité d'un bien est une exception au droit de gage général du créancier et à l'unité du patrimoine tels que l'illustrent notamment les articles 2284 et 2285 du Code civil. Fidèle à cette approche classique, la loi du 13 juillet 1965 a décidé de rendre indisponibles les droits par lesquels est assuré le logement de la famille, pour introduire un peu d'esprit de collaboration. [...]
[...] À l'image des poupées russes, l'article 1751 paraît entrer en entier dans l'article 215, alinéa 3 du Code civil. B La nature du mécanisme fondant l'indisponibilité. Les deux textes fondent l'indisponibilité du logement de la famille sur des mécanismes différents ; les deux époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, mais en raison de concepts juridiques qui ne peuvent être confondus. L'article 1751 du Code civil fait produire un effet direct au mariage, un effet qui se produit de plein droit et de manière impérative et s'agrège, à raison de ses caractéristiques, au régime primaire constitué trois ans plus tard par la loi du 13 juillet 1965 ; toute personne épousant le titulaire du droit au bail d'habitation en devient cotitulaire, par le seul effet du mariage, si l'immeuble est affecté au logement de la famille. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture