Pour Jérôme François, « l'article 2254 du Code civil, en renforçant le pouvoir des parties d'aménager conventionnellement la prescription, en fait en principe une institution d'intérêt privé » : cette réflexion donne un aperçu des modifications apportées au Code civil par ce nouvel article 2254, inséré suite à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.
La prescription a pour effet de calquer une situation juridique sur une situation de fait consolidée par le temps. Elle apparaît extinctive en permettant d'éteindre un rapport d'obligation, et acquisitive lorsqu'elle est créatrice de droits.
À l'instar de toutes les dispositions codifiées suite à cette loi de 2008, l'article 2254 résulte d'un besoin de réforme de la prescription ressenti dès le début du XXe siècle. L'ancien régime est jugé trop complexe, le délai trentenaire en vigueur apparaît trop long et surtout, la doctrine montre du doigt la multiplicité des délais qui vient favoriser l'insécurité juridique.
[...] La question que l'on peut se poser concernant ce nouvel article 2254 est de voir s'il vient réellement simplifier le régime de la prescription extinctive, conformément à l'objectif poursuivi par le législateur en 2008. Nous verrons dans un premier temps qu'en permettant de mettre en place une liberté encadrée pour les parties à un contrat cet article 2254 issu de la réforme de 2008 a plutôt tendance à complexifier la lisibilité du régime de la prescription (II). I. La mise en place d'un aménagement conventionnel de la prescription La réforme de 2008 a inséré dans le Code civil un article 2254 permettant aux parties de déroger à la prescription quinquennale dans les stipulations contractuelles Toutefois, cette nouvelle forme de liberté est surveillée et encadrée par le législateur A. [...]
[...] À titre d'exemple, l'article 2226 précise que dans les cas de préjudice causé par des actes de torture ou de barbarie ( l'action en responsabilité civile est prescrite par vingt ans. Dans le même registre, l'article 2227 pose l'exception du droit de propriété qualifié d'imprescriptible, sous réserve des actions réelles immobilières [qui] se prescrivent par trente ans. Dans ce contexte déjà complexe, il apparaît que l'article 2254 relatif à l'aménagement conventionnel de la prescription rajoute de nouvelles exceptions et vient encore complexifier le système. [...]
[...] À l'instar de toutes les dispositions codifiées suite à cette loi de 2008, l'article 2254 résulte d'un besoin de réforme de la prescription ressenti dès le début du XXe siècle. L'ancien régime est jugé trop complexe, le délai trentenaire en vigueur apparaît trop long et surtout, la doctrine montre du doigt la multiplicité des délais qui vient favoriser l'insécurité juridique. Dans ce contexte intervient l'avant-projet de réforme Catala, comprenant une partie relative à la prescription rédigée par le Professeur Malaurie. Parallèlement, un rapport d'information sur le régime des prescriptions civile et pénale est déposé au Sénat. [...]
[...] Toutefois, même si elles se justifient au regard de la sécurité juridique et le la protection de la partie la plus faible, ces restrictions ont tendance à complexifier le régime de la prescription, alors même que l'objectif de la réforme était de le simplifier au maximum. II. Une simplification du régime de la prescription très relative Il faut se demander si ce nouvel article 2254 répond bien aux attentes de la doctrine concernant la réforme du régime de la prescription et s'il ne pénalise pas trop l'unification du droit telle qu'elle était voulue par le législateur en 2008 A. Un article 2254 éloigné de l'objectif de la réforme de 2008 ? [...]
[...] Par conséquent, la commission livre dix-sept recommandations au Sénat dont l'objectif est de rendre au régime de la prescription toute sa cohérence et son unité. Or l'article 2254 soumis à notre appréciation propose un mélange déséquilibré de liberté contractuelle et de restrictions à cette même liberté. À la lecture de cette disposition, on se demande si le législateur n'aurait pas mieux fait d'énumérer les domaines juridiques où l'aménagement conventionnel est permis, tant les possibilités semblent restreintes. Cependant, le rapport d'information soulignait l'importance de conforter le rôle de la volonté des parties. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture