L'article 75 du Code civil prévoit que, lors de la célébration du mariage, l'officier de l'État civil procède à la lecture de plusieurs articles de ce code afin de donner une information complète aux futurs conjoints sur leurs droits et devoirs en qualité d'époux, avant de recueillir leur consentement à l'union matrimoniale.
Jusqu'à la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe, rappelons que la lecture de l'article 220 du Code civil était alors obligatoire. Ce qui marque l'importance de la portée de cet article, sujet de notre commentaire.
Dès 1804, le législateur a posé comme principe celui de la liberté des conventions matrimoniales. Cependant, un certain nombre de règles constituant le régime primaire impératif s'applique aux époux quel que soit le régime matrimonial choisi.
Au principe ancien et quelque peu archaïque de l'absolue incapacité de la femme mariée, succéda rapidement la théorie du « mandat domestique », permettant alors d'accomplir les actes de la vie quotidienne susceptibles d'être à charge pour le mari.
Ainsi en matière d'autonomie ménagère de la femme mariée, domina la théorie dite « du mandat tacite de la femme mariée » s'appuyant sur l'article 1985 du Code civil, selon laquelle un incapable pouvant être mandataire, le mari était censé avoir donné tacitement mandat à sa femme à l'effet de conclure les engagements afférents à la vie du ménage.
Cette pratique était ainsi employée par le juge pour répondre à cette incapacité de la femme mariée telle qu'elle était exprimée par le code Napoléon, afin de satisfaire une réalité différente qui voyait la femme accomplir seule la plupart des actes de la vie courante.
[...] Un mouvement de jurisprudence admettait la solidarité pour les petits emprunts. Le législateur est alors venu consacrer cette jurisprudence dans le cadre de la limite des petits emprunts Cette exception ne concerne donc pas les achats à tempérament comme l'a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt 12 juillet 1994, à propos de l'achat à crédit. Au demeurant, les emprunts sont donc soumis à ces conditions chacune appréciée par les juges du fond. Le caractère modeste des sommes est en principe un élément objectif qui n'est pas apprécié en fonction de la situation du couple. [...]
[...] L'autre époux conserve ainsi son patrimoine personnel. Si le couple vit sous le régime de la communauté, l'époux non contractant préserve alors son patrimoine propre, mais les tiers créanciers peuvent saisir non seulement les biens propres de l'époux débiteur, mais aussi les biens communs selon l'article 1423 du Code civil. On constate que la communauté est en pratique le régime légal qui recouvre l'essentiel du patrimoine des couples. D'où, en réalité, une portée assez maigre de l'article 220 du Code civil. [...]
[...] Le premier d'entre eux, concerne les dépenses manifestement excessives que le juge devra apprécier à l'aulne d'une série d'éléments légaux : le train de vie du ménage, à l'utilité ou non de l'achat ; la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant Avec cette l'obligation de constater pour le juge l'excès manifeste de la dépense effectuée par l'un des époux, on pense à un standard réutilisé de nombreuses fois par la loi : on retrouve cette notion à l'article 809 du Code de procédure civile relatif au référé ; à l'article 1152 du Code civil relatif à la révision de la clause pénale ou encore à l'article 1579 de ce même code relatif justement aux régimes matrimoniaux et à la participation aux acquêts. La première des conséquences est le renversement de la charge de la preuve, la solidarité entre époux n'est alors plus présumée. [...]
[...] Se pose ici la question de savoir dans quelle mesure apprécier qu'une dette soit matrimoniale ou non : élément primordial pour définir la solidarité entre les époux, c'est-à-dire savoir si elle intervient pendant le mariage, critère essentiel à la réalisation de la solidarité ménagère. Il doit en effet s'agir des dettes du ménage issues du mariage comme en dispose l'article 220. Il paraît évident que les dettes contractées hors mariage, après le prononcé du divorce ne s'applique pas, cependant qu'en est-il pendant l'instance de divorce ? [...]
[...] Cette solution serait retenue dans le cas d'une interprétation stricte du texte, voulu par certains auteurs. Néanmoins, il faut noter que la jurisprudence étend le domaine de l'article 220 à toute dette, même non contractuelle, bien que la loi va même jusqu'à répéter une deuxième fois le terme de contrat : toute dette ainsi contractée La jurisprudence s'est dégagée de cette vision restreinte pour privilégier la notion de dette rattachée au critère essentiel que sont l'entretien du ménage et l'éducation des enfants C'est dans un arrêt du 7 juin 1989 de la 1re chambre civile de la Cour de cassation ( doc 9 ) -étrangement non publié au bulletin à l'époque- que la Cour de cassation pose ce principe d'interprétation extensive, confirmé dans un autre arrêt du 9 octobre 1991 que de nombreux auteurs considèrent par ailleurs comme arrêt de principes : mais attendu que l'article 220 du Code civil, qui fait peser sur les époux une obligation solidaire, a vocation à s'appliquer à toute dette, même non contractuelle, ayant pour objet l'entretien actuel et futur du ménage après de nombreux cas d'espèce, l'indifférence de la source, contractuelle ou non, de la dette a été consacrée. [...]
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