Suite à l'introduction dans le Code civil de l'article 1415 par la loi du 23 décembre 1985, certains auteurs ont usé de ce qualificatif de « superstar » à propos de cet article tant le contentieux qu'il généra fut considérable. Rarement un texte des régimes matrimoniaux ne fit tant parler la Cour de cassation. Il faut dire que cette disposition a des conséquences pratiques non négligeables.
Avant la réforme de 1985, le mari était le maître de la communauté. Les obligations qu'il contractait seul engageaient les biens communs. Ainsi, s'il se portait caution ou souscrivait un emprunt, les créanciers pouvaient saisir tous les biens de la communauté sans que l'épouse ne puisse s'y opposer.
Avec la réforme de 1985, le nouvel article 1421 prévoit désormais que les époux ont des pouvoirs égaux sur les biens de la communauté dont ils peuvent disposer librement dès lors, et en vertu de l'article 1413, chacun des époux engage par ses dettes non seulement ses biens propres, mais aussi les biens communs.
Cependant, l'article 1415 prévoit un tempérament à cette possibilité offerte à chaque époux d'offrir les biens communs en garantie de sa propre dette. Il dispose que « chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres ».
Cette disposition se justifie à plusieurs égards : tout d'abord, le législateur considère le cautionnement et l'emprunt comme des contrats particulièrement dangereux dans la mesure où celui qui souscrit ce type d'actes prend un engagement différé dont il n'a pas pleinement conscience au moment de la conclusion. Ensuite, ce sont là des actes susceptibles de ruiner la communauté lorsqu'ils sont souscrits par un époux de façon inconsidérée. Indirectement, le législateur a donc voulu protéger le logement de la famille. En effet, l'emprunt et le cautionnement ne figurent pas parmi les actes de disposition soumis à cogestion au titre de l'article 215 alinéa 3. Plutôt que de prévoir une autre règle de cogestion pour ces actes, le législateur a préféré élaborer une règle spéciale de passif qui déroge à l'article 1413 du Code civil.
[...] Quels sont les actes pour lesquels 1415 jouera ? L'interprétation extensive des notions de cautionnement et d'emprunt par la jurisprudence ( ) par un cautionnement ou un emprunt ( . ) L'article 1415 ne visait que deux types de contrats : le cautionnement et l'emprunt. S'agissant d'une exception au principe posé par l'article 1413, la jurisprudence aurait dû l'interpréter strictement. Mais, soucieuse de protéger la communauté selon l'esprit du texte, de tous les actes dangereux et pernicieux susceptibles de la ruiner, elle en a fait une interprétation extensive. [...]
[...] C'est pourquoi le créancier, comme l'époux désireux d'obtenir du crédit, aura tout intérêt à obtenir le consentement de l'autre conjoint. C'est donc le consentement de l'autre qui va déterminer l'étendue du droit de gage des créanciers. Le texte nous parle d'un consentement exprès Cela suppose deux choses : tout d'abord, le consentement doit exister et doit être réel. L'époux dont la signature a été imitée par l'autre pour faire croire à son consentement n'a pas consenti. Les biens communs ne sont donc pas engagés15. [...]
[...] Il arrive néanmoins que le consentement du conjoint ne soit pas obtenu, soit parce qu'il n'est pas requis par l'époux caution ou emprunteur, soit parce que le conjoint le refuse jouera alors pleinement Les conséquences de l'absence de consentement En l'absence de consentement de l'autre conjoint, l'article 1415 produit ses effets : seuls les biens propres et les revenus de l'époux caution ou emprunteurs sont engagés. Les autres biens communs sont protégés et ne peuvent pas être saisis par les créanciers20, et ce, même après le partage de la communauté21. Qui pourra se prévaloir du défaut de consentement ? 1415 est une règle protectrice de la communauté. [...]
[...] Quels sont les effets du consentement exprès du conjoint ? Les biens communs seront engagés. Mais, une question s'est posée concernant les gains et salaires du conjoint. Le texte n'exclut que les biens propres du conjoint, ce qui laisse sous-entendre que ses gains et salaires sont engagés. Mais, telle n'est pas la solution, car l'exception générale posée à l'article 1414 du Code civil, selon laquelle les gains et les salaires d'un époux ne peuvent être saisis par les créanciers de son conjoint, demeure. [...]
[...] C'est pourquoi la jurisprudence avait décidé d'appliquer l'article 1415 à ce mécanisme12. Mais, c'est une sûreté réelle et non pas une sûreté personnelle. En outre, cette jurisprudence avait pour effet de rendre le cautionnement réel souscrit sur un bien commun sans le consentement de son conjoint, par un époux commun en biens, nul et sans effet. C'est pourquoi la Cour de cassation, réunie en chambre mixte, a revu sa position13. Elle décide, depuis 2005, que le cautionnement réel n'est pas un cautionnement, mais une sûreté réelle consentie en garantie de la dette d'autrui. [...]
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