1134
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. [...]
Elles doivent être exécutées de bonne foi ». Voilà un texte qui semble affirmer un principe.
Car il s'agit bien de principes ici, de la transcription dans le Code civil des « mythes »
fondateurs de la théorie générale des contrats telle qu'elle est inspirée à la doctrine par les
articles du Code civil. Mythes qui n'ont pourtant pas toujours existé loin s'en faut. Ainsi, le
droit romain des obligations se fondait sur l'existence d'un petit groupe de contrats, auxquels
était attachée pour chacun une action en justice. Point de principe du consensualisme, de
liberté contractuelle, de force obligatoire des contrats... ce n'est que l'influence du
christianisme durant le Moyen-Age qui, tout en redécouvrant le droit romain et en le
transformant, l'a imposé : pacta sunt servanda. Il y a donc une tradition romaniste du droit
des obligations, mais celle-ci doit être combinée avec bien d'autres produits de l'évolution
historique du droit. Ainsi le Code civil est-il aussi par certains aspects enfant de la Révolution
française.
Cette évolution se poursuit aujourd'hui encore, et par différents vecteurs. La
jurisprudence bien sûr, interprétant toujours les textes de 1804 qui n'ont pas été révisés en la
matière, a permis des évolutions substantielles du droit positif. Mais le législateur, lui aussi,
pourrait être tenté aujourd'hui de procéder à une réforme de la matière en son ensemble alors
qu'il n'a fait jusqu'à présent qu'instituer des droits spéciaux (droit de la consommation ou
droit du travail par exemple)
Faculté de droit
Montpellier
De la stricte lecture des alinéas premier et troisième de l'article 1134 du Code civil on
remarquera bien sûr le caractère général des propositions, applicables donc à l'ensemble des
accords de volonté institués pour créer des obligations juridiquement sanctionnées. On
remarquera également que si le premier alinéa semble affirmer un principe, celui de la force
obligatoire du contrat (conforté par le deuxième alinéa), le troisième semble poser l'exception
d'une exécution de mauvaise foi (une condition, une modalité) de celui-ci sans toutefois que
l'article précise la sanction. L'évolution de la force obligatoire du contrat, qui fait du contrat
la loi des parties, et sa propre valeur en tant que principe, évoluent au gré de l'importance
accordée à l'exigence de bonne foi par l'interprétation qui en est faite. Cette évolution
s'inscrit d'ailleurs dans une perspective bien plus large, une confrontation perpétuelle entre
deux autres principes souvent invoqués mais toujours difficiles à concilier. Entre le sûr et le
juste, entre le permanent et l'équitable, entre la confiance et la justice commutative il faut
souvent trancher. La force obligatoire du contrat tempérée peut-être par l'exigence de bonnefoi
rejoint alors l'éternel débat entre sécurité juridique et justice.
La bonne foi peut être considérée comme un standard de jugement. La norme que constitue le
standard se modèle ainsi au fur et à mesure que les cas se présentent au juge, il est « ce
procédé qui permet au juge de prendre en considération le type moyen de conduite
sociale correcte pour le type déterminé d'actes qu'il s'agit de juger » (M.-O. Stati, Le
standard juridique, études Gény, T. II, p. 244) et qui évolue au fil des exigences de la
société. Or depuis 1804 la société a considérablement évolué. Par son économie tout
d'abord, la pratique multipliant les nouveaux mécanismes contractuels absolument
absents des considérations du Code civil. L'exigence de bonne foi, règle de bon sens,
peut alors en certaines hypothèses apporter une solution à des problèmes juridiques
nouveaux. Instituée en 1804, la bonne foi se révèle ici d'une remarquable pertinence
en droit contemporain. La société elle aussi a changé, le principe de l'autonomie de la
volonté que l'on pourrait qualifier de véritable dogme au XIXème siècle est moins
prégnant aujourd'hui. Dans l'opinion commune il est des contrats, valablement
formés, qui semblent néanmoins injustes. Une certaine équité, à laquelle pourrait
notamment correspondre la bonne foi, commanderait en certaines hypothèses une
révision de certaines stipulations contractuelles. Plus encore, certaines théories
économiques, peu moralistes, militent pour une limitation de la force obligatoire du
contrat, proposant notamment la théorie de l' « effiscient breach of contract » : il y
aurait des contrats qu'il serait économiquement pertinent de rompre, quand bien même
la rupture serait-elle unilatérale (et donc contrevenant à l'alinéa 2 de l'article 1134 aux
termes duquel « [les conventions] ne peuvent être révoquées que de leur consentement
mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ». La bonne-foi est-elle par conséquent
une atteinte à la force obligatoire du contrat ? Est-ce à dire que la force obligatoire du
contrat est en crise ? Sans doute pas, mais elle évolue au fil des revendications
sociales. La situation est en réalité plus paradoxale : la force obligatoire du contrat, un
temps affaiblie quant à sa valeur, pourrait au gré de mouvements contemporains
retrouver toute son importance. Le contrat a donc une force que l'exigence de bonne
foi a pu parfois atténuer (I) mais qu'elle pourrait aussi renforcer (II).
[...] le solidarisme contractuel imposerait notamment sur le fondement de l'article 1134 alinéa 3 du Code civil, la recherche par les contractants d'un certain équilibre contractuel. Dans l'hypothèse où les parties ne satisferaient pas à l'exigence de bonne foi, le juge pourrait suppléer leur carence et intervenir dans l'exécution même du contrat. La bonne foi pourrait alors justifier d'aller à l'encontre de la force obligatoire du contrat. Elle en serait en quelque sorte sa première exception. Il s'agit alors, souvent sous couvert d'interprétation du contrat de procéder à un rééquilibrage judiciaire de celui-ci : imposer l'obligation de permettre à son cocontractant de pratiquer des prix concurrentiels dans les célèbre arrêt Huard (Cass. [...]
[...] Respaud, Droit des obligations, Ellipses 2006). Et un autre auteur d'en appeler à Pothier qui considérait déjà que s'obliger à faire quelque chose, c'est s'obliger à le faire utilement Pothier, De la vente n°202, cité par Y. Picod, l'obligation de coopération dans l'exécution du contrat) La bonne foi utilitariste au service du contrat Le standard de bonne foi privilégierait plus le contrat que l'une ou l'autre des parties à celui-ci. S'affirmerait alors un intérêt commun à l'exécution du contrat que le concept de bonne foi renfermerait. [...]
[...] Commentaire de l'article 1134 du code civil :LA FORCE OBLIGATOIRE DU CONTRAT Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. [ ] Elles doivent être exécutées de bonne foi Voilà un texte qui semble affirmer un principe. Car il s'agit bien de principes ici, de la transcription dans le Code civil des mythes fondateurs de la théorie générale des contrats telle qu'elle est inspirée à la doctrine par les articles du Code civil. Mythes qui n'ont pourtant pas toujours existé loin s'en faut. [...]
[...] Il prévoirait également que L'initiative, le déroulement et la rupture des pourparlers sont libres, mais qu'ils doivent satisfaire aux exigences de la bonne foi. L'avant projet ne modifierait cependant aucunement les dispositions de l'article 1134 ici commentées. Le projet de la Chancellerie retiendrait quant à lui une conception plus large encore de la bonne foi, sans limite de temps ni d'objet chacune des parties est tenue d'agir de bonne foi Mais c'est là sans doute un article qui laisserait encore à la doctrine un travail d'interprétation plus conséquent encore qu'il ne l'est au titre de l'article 1134 du Code civil. [...]
[...] La bonne foi peut être considérée comme un standard de jugement. La norme que constitue le standard se modèle ainsi au fur et à mesure que les cas se présentent au juge, il est ce procédé qui permet au juge de prendre en considération le type moyen de conduite sociale correcte pour le type déterminé d'actes qu'il s'agit de juger O. Stati, Le standard juridique, études Gény, T. II, p. 244) et qui évolue au fil des exigences de la société. Or depuis 1804 la société a considérablement évolué. [...]
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