La provision - commentaire comparé de 6 pages
La lettre de change met en relation trois personnes : le tireur, le tiré et le bénéficiaire ; le billet à ordre, seulement deux : le souscripteur et le bénéficiaire. Mais il arrive que ces mécanismes cambiaires fassent l'objet d'une intrusion par une technique de crédit : la cession de créances professionnelles. Les arrêts de rejet rendus le 7 mars 1995 et le 10 mars 1998 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation constituent une excellente illustration de ce problème.
[...] Le cédé a ici accepté une lettre de change tirée sur lui par le cédant ou souscrit un billet à ordre avant d'avoir reçu la notification de cession de créances professionnelles, pour le règlement de la même créance et présentée par un porteur autre que le cessionnaire Dailly. Lorsque la notification est réalisée avant l'acceptation de la traite(ou avant le paiement des billets à ordre), il y a primauté du cessionnaire. La Chambre commerciale est ici conforme à cette jurisprudence établie. M. Leduc est présumé avoir accepté après la notification. C'est une présomption simple car il peut prouver l'antériorité de son acceptation. En revanche, si la notification intervient postérieurement à l'acceptation, c'est le banquier escompteur qui est privilégié. [...]
[...] Le tiré est notamment ici mis en danger car il doit payer deux fois la même créance. Sa situation financière risque d'être lésé mais le droit positif est intransigeant lorsqu'il y a notification d'une cession de créances. Cependant, cette primauté n'est pas incontestable Une prévalence liée à la personne du tiers porteur Si l'effet est présenté par un tiers porteur, celui-ci bénéficie de la règle de l'inopposabilité des exceptions, le tiré accepteur est contraint d'honorer sa signature. En conséquence, il peut se prévaloir à l'égard du cessionnaire du paiement qu'il a fait, lequel est le fruit inéluctable d'un processus engagé irrévocablement avant la notification. [...]
[...] Ces décisions sont indiscutablement favorables au cessionnaire Dailly. Le mécanisme cambiaire est dès lors perturbé. Cependant cette suprématie est fragile car inhérent à la personne du tiers porteur. B La relative prédominance du cessionnaire Dailly Le mécanisme de la lettre de change est mis à mal par l'intrusion de la cession de créances professionnelles. Mais, cette prédominance du cessionnaire Dailly sur le créancier cambiaire est anéantie lorsque intervient un tiers porteur Perturbation du mécanisme de la lettre de change d'emblée, on peut se demander que vaut l'acceptation ou la souscription. [...]
[...] Ici, la bonne foi du cessionnaire n'est en aucun cas remise en cause par la Cour de cassation. La souscription des billets à ordre, antérieurement aux notifications, ainsi que l'acceptation à une date indéterminée et le paiement de l'endossataire ne peuvent être opposés au cessionnaire. Ce qui paraît cohérent car le cessionnaire Dailly est en principe étranger aux rapports qui peuvent unir un souscripteur et un bénéficiaire ou un tiré accepteur et un endossataire. Ainsi, la notification de la cession constitue une exception que le débiteur peut valablement opposer au bénéficiaire des billets à ordre. [...]
[...] C'est la position de la Cour de cassation ici qui condamne le débiteur cédé à payer la banque. C'est la première fois que la cour suprême énonce que le débiteur d'une créance, pour laquelle il a reçu notification d'une cession dans le cadre de la loi Dailly, ne peut utilement opposer son acceptation d'une lettre de change pour la même dette, sans apporter la preuve de l'antériorité de son acceptation par rapport à la notification. Comme on l'a évoqué précédemment, lors de la notification de la cession, le débiteur cédé ne peut plus se libérer qu'entre les mains du cessionnaire. [...]
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