Doit on prendre en compte l'élément économique dans le fonctionnement de la justice ?
[...] Une justice qui délaisse le Juste : Comme nous l'avons vu, la gestion managériale appliquée à la justice cherche à répondre au défi du nombre croissant de cas et des délais trop importants pour rapprocher les citoyens du système judiciaire. Pour autant, l'approche comptable de la justice souffre de critiques sévères mais justes au regard de son influence particulièrement négative sur le travail judiciaire. Par exemple, Philip Langbroek dénonce les dérives de la logique managériale « en tant qu'institution » qui contribue à délaisser la justice « en tant que valeur », et notamment du point de vue de l'indépendance judiciaire. [...]
[...] En tous cas, les développements précédents vont dans ce sens, l'étude de Virginie Gautron et Jean-Noël Retière l'étaye. En effet ces deux chercheurs ont montré qu'entre 2000 et 2009, « toutes choses égales par ailleurs », les moins favorisés sont plus lourdement condamné (Gautron et Retière, Des destinées judiciaires pénalement et socialement marquées, 2013). Ainsi, « toutes choses égales par ailleurs », les personnes sans emploi sont condamnées 1,5 fois plus à la prison ferme et ont 1,8 fois plus de risques d'être placées en comparution immédite (ibid). [...]
[...] Comme le préconise Jean-Marc Sauvé, à plus long terme, le développement des Recours Administratifs Préalables Obligatoires (RAPO), dont une expérimentation fut lancée en 2012 par le décret n° 2012-765, ou des modes alternatifs de règlement des litiges avec la question de « l'accès direct, général et indifférencié au juge » (Sauvé, RFDA, 2012) représentent des réformes organisationnelles nécessaires à la prévention du contentieux. Pourtant, les réformes de ces dernières années ont été particulièrement marquées par la « dérive productiviste » de l'approche comptable de la justice (Roussey, Enjeux théoriques et opérationnels de l'analyse économique du système judiciaire, 2016). [...]
[...] « Pire qu'une justice à deux vitesses, c'est une justice à toute vitesse : une boucherie judiciaire » (Vergès p. 122). Tandis que les puissants jouissent des services des meilleurs avocats qui tentent de ralentir au maximum la procédure, les justiciables des comparutions immédiates sont généralement défendus par des avocats sans expérience et qui ne disposent que de trop peu de temps pour étudier le dossier de leurs clients. Ces dénonciations de Vergès se rapprochent sérieusement du système de « plea bargaining » pointé du doigt par Antoine Garapon. [...]
[...] De la même manière, la Belgique a lancé en 2000 le « Plan Copernic » directement piloté par le Ministère des finances pour « offrir le meilleur service possible au moindre coût » et « moderniser l'organisation interne des administrations » de la justice. Toutefois, la mise en place de ces réformes a suscité de nombreux débats et interrogations. C'est en ce sens qu'il faut comprendre les mots de Kirat : « les syndicats de magistrats ainsi que le Sénat s'inquiètent de l'aspect strictement quantitatif des indicateurs en raison de leur incapacité à refléter la réalité de l'activité judiciaire au sein des tribunaux » (Kirat p. [...]
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