« Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime, c'est la loi qui affranchit ». Cette citation de Lacordaire illustre bien l'importance des normes juridiques, et notamment de la loi, pour le maintien de la démocratie. Pourtant depuis plusieurs années la qualité de ces normes s'affaiblit, les rapports successifs du Conseil d'État - 1991 puis 2006 - en étant la preuve. Pour rappel, une « norme est une règle qui du fait de son origine (Constitution, lois, règlements administratifs, traités ou accords internationaux) et de son caractère général et impersonnel, constitue une source de droits et d'obligations juridiques » . La notion de norme englobe donc beaucoup de sources du droit différentes, et toutes ces sources ne connaissent pas les mêmes critiques. La loi est clairement la norme la plus affaiblie, concurrencée par les règlements et les traités, mais ces derniers ne sont pas épargnés pour autant. En France et en Europe, les Cours suprêmes ont essayé de mettre un frein à l'affaiblissement des normes en consacrant des principes de sécurité juridique, voire de confiance légitime. Aujourd'hui se pose la question de savoir si ce principe de sécurité juridique permet réellement une amélioration qualitative de la norme.
[...] L'explication de ce phénomène est multiple. Tout d'abord, la loi est concurrencée, nous l'avons vu, par des normes supérieures et inférieures. Ensuite, la loi s'éloigne de plus en plus de sa définition pure. D'après Portalis la loi permet, ordonne ou interdit Or l'évolution récente prouve que cette doctrine n'est pas respectée par tous les législateurs. La loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'École de 2005[2], qui donne à l'école pour objectif la réussite de tous les élèves, n'est aucunement prescriptive, seulement descriptive. [...]
[...] Ce qui a deux conséquences : - d'abord, la complexité et la multiplication des normes peuvent être sources d'erreur. On peut citer la loi du 12 mai 2009[5] qui avait marqué les esprits en supprimant par mégarde une sanction pénale. - Ensuite, comme le souligne le Conseil d'État dans son rapport de 1991 quand la loi bavarde, le citoyen ne l'écoute plus que d'une oreille distraite On est donc bien face à une multiplication des normes qui conduit à une confusion générale et à un affaiblissement de leur force. [...]
[...] L'autre dérive par rapport à la tradition législative date de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. En instaurant l'article 37-1 autorisant les lois expérimentales, les constituants ont voulu proposer un remède contre l'inflation législative en testant les lois avant des les appliquer définitivement sur l'ensemble du territoire. Le problème reste que ces lois test ont besoin d'être très encadrées pour éviter la création d'un flou législatif. Il serait peut-être plus prudent de se pencher sur l'utilité de chaque loi. [...]
[...] Le conseil constitutionnel n'hésite pas à censurer des lois parce qu'elles ne respectent pas son objectif de clarté et d'intelligibilité. Il censure, par exemple, régulièrement des dispositions de certains articles des lois de finances jugeant qu'elles sont d'une complexité excessive et donc inintelligibles pour les citoyens[11]. Néanmoins, malgré la formulation de ces principes, les juges ne peuvent pas résoudre pleinement le problème de la qualité des normes. En effet, s'ils se doivent de censurer certaines dispositions pour leur inintelligibilité ou parce qu'elles ne sont pas normatives, ils ne peuvent se substituer aux législateurs. [...]
[...] Il faut donc rechercher de quelle manière contraindre les autorités publiques à améliorer en qualité et à limiter en nombre l'élaboration des normes pour éviter que leur multitude n'étouffe leur dignité et nuise à leur observation http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/norme-normatif- normative.php Loi n°2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'École. Loi n°2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915. Rapport public de 2006 Sécurité juridique et complexité du droit, Conseil d'État. Loi 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures Arrêt KPMG du 24 mars 2006, CE, ass. Morand-Deviller, p.451 Décision n°99-421 du 16 décembre 1999 du Conseil constitutionnel. Arrêt KPMG du 24 mars 2006, CE, ass. [...]
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