Dans quelle mesure la loi demeure-t-elle une norme de référence dans le système juridique français ?
[...] La loi est donc soumise à la Constitution dans la hiérarchie des normes, qui est la norme suprême dans l'ordre interne. Le « contrôle de constitutionnalité » a priori est prévu par l'article 61 de la Const. Ce dernier prévoit que « les lois organiques » - lois prévues par l'article 46 qui ont pour objet de préciser l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics - ainsi que « les règlements des assemblées parlementaires » et, désormais, les propositions de loi prévues à l'article 11 de la Const. [...]
[...] Ainsi la CCass a admis qu'une cour d'appel avait commis une erreur d'appréciation en écartant un moyen de prescription, mais a jugé en même temps que « la censure de sa décision n'est pas encourue de ce chef, dès lors que l'application immédiate de cette règle de prescription dans l'instance en cours aboutirait à priver la victime d'un procès équitable, au sens de l'article 6 de la CEDH, en lui interdisant l'accès au juge » (CCass plén décembre 2006). Cette reconnaissance d'un droit transitoire des revirements de jurisprudence montre donc le pouvoir créateur de la jurisprudence, et la possible remise en cause de la loi par la jurisprudence. Le recours trop systématique à la loi a donc contribué à la perte de sa majesté. Des initiatives ont été prises du point de vue du processus d'élaboration de la loi, avec des lois de simplification ou des travaux de codification à droit constant. [...]
[...] Ainsi, entre 1984 et lois contenant des mesures d'habilitation avaient été adoptées ; or entre 2001 et 2013 (soit une période moindre) ce chiffre s'élevait à 112. Auparavant les ordonnances était quelque chose de rarissime, de l'ordre de 3 à 5 ordonnances par an à peu près. Depuis les années 2000, ce chiffre est compris entre 50 et 80 ordonnances par an avec une sorte de dérives. Du point de vue qualitatif, la loi a perdu un peu de sa majesté. On a d'abord un empiètement permanent de la loi sur le règlement. [...]
[...] Ce cantonnement est d'autant plus important que l'article 34 distingue les matières dans lesquelles le législateur fixe les règles et celles dans lesquelles la loi détermine les principes fondamentaux. En plus de limiter le « domaine de la loi », la Constitution prévoit plusieurs procédures de sanction. Avant le vote de la loi, à travers l'exception d'irrecevabilité prévue à l'article 41 ; après le vote de la loi, mais avant sa promulgation (article 61) ; après la loi ensuite selon l'article 37 alinéa 2. [...]
[...] Pour autant, la loi reste une norme de référence et la « révolution n'a pas eu lieu » (Rivero) par rapport au « domaine réglementaire » Pour autant, ce recours systématique à la loi et sa perte de normativité menace la place de la loi dans la hiérarchie des normes Le cantonnement du « domaine de la loi », une révolution avortée : A l'instar de plusieurs dispositions prévues par la Constitution de la Vème République, la séparation entre les domaines de la loi et du règlement n'a pas abouti au résultat attendu. Pour reprendre les termes du professeur Jean Rivéro, dès 1977, « la révolution n'a pas eu lieu » (J. Rivéro, Le domaine de la loi et du règlement p. 263). [...]
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