Dans quelle mesure la jurisprudence constitue-t-elle une source créatrice de droit concurrente de la loi ?
[...] C'est au magistrat et au jurisconsulte, pénétrés de l'esprit général des lois, à en diriger l'application. ». Le risque bascule de celui d'un juge à l'esprit de servitude du respecte la loi même si elle est mal écrite à celui d'un juge rebelle qui peut potentiellement faire une utilisation politique de sa fonction de juge. La loi a besoin de la jurisprudence pour évoluer au grès des mœurs, laquelle est « le vrai complément de la législation » (Portalis) Cette conception se traduit tout de même dans le Code civil, à l'article selon lequel « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ». [...]
[...] Au fur et à mesure, la loi s'est vue remise en question, concurrencée par la jurisprudence mais également par la prolifération de normes à l'échelle locale, nationale, voire internationale. A l'inverse, et pour combler les défauts d'une loi qui ne peut pas tout prévoir, la jurisprudence s'est progressivement imposée comme source créatrice de droit. Cette relation ambigüe reflète au final la réaction du Code civil, selon lequel le juge peut et doit parfois s'émanciper de la loi pour remplir sa mission, mais ne saurait rendre des décisions applicables à tous. [...]
[...] Une des idées est de développer les études d'impact, comme pour la loi. « Mieux préparée, la décision jurisprudentielle doit également être mieux comprise » (Molfessis, 2005). Au-delà de la motivation enrichie, il s'agirait également de retenir une une structuration apparente, de mentionner les précédents. Enfin, un travail d'« open data » a été engagé, pour la publication des décisions, non pas seulement de la « Cour de cassation » mais aussi de celles du juge du fond, pour contribuer à la richesse et à la qualité de la jurisprudence. [...]
[...] La conséquence juridique est directe et majeure : la loi écrite est l'unique source du droit. Le juge, qui tient un raisonnement déductive en trois temps, n'est donc que « la bouche de la loi » pour reprendre les termes de Montesquieu et n'a pas de légitimité pour créer des normes. Le droit vient du pouvoir politique, et le juge a un rôle subordonné à la loi. La loi vient du Parlement, seule source démocratique du pouvoir, élu par le peuple souverain. [...]
[...] Pour autant, comme pour la loi, « les modalités de rédaction des arrêts de la « Cour de cassation » font l'objet de critiques anciennes et réitérées » (Touffait et Tunc, Pour une motivation plus explicite des décisions de justice, 1974). Ces critiques sont fondées en particulier sur la nécessité d'expliciter davantage les principes posés et les justifications des choix opérés par la Cour. Comme l'a écrit Lesueur de Givry, il faut élaborer une « doctrine du bon emploi de l'abondance ». [...]
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