Commentaire d'arrêt de la Cour de cassation du 21 décembre 2006 : le pouvoir modulateur du juge
Le problème de droit posé à la Cour de cassation était celui de savoir s'il faudrait interpréter l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 qui prévoit le délai de prescription des actions fondées sur une atteinte à la présomption d'innocence selon les règles de prescription de droit commun ou selon les règles dérogatoires instaurées par l'article 65 de la même loi. Ces actions sont-elles soumises à un délai de prescription trimestrielle interruptif et suspensif de prescription ou à un délai de prescription trimestrielle interruptif, mais non suspensif imposant au demandeur de réitérer tous les trois mois un acte de procédure manifestant à l'adversaire son intention de poursuivre l'instance ?
I. La consécration du pouvoir modulateur du juge
II. La promotion critiquable de la jurisprudence au rang de la loi
[...] Un autre fondement a parfois été invoqué à l'appui d'une demande de moduler dans le temps les effets d'un revirement jurisprudentiel : le principe de la sécurité juridique. Si la CJCE et la CEDH ont respectivement consacré l'existence de ce principe pour fonder la modulation dans le temps des effets des revirements de jurisprudence à titre exceptionnel, il n'en demeure pas moins que les juridictions françaises n'ont jamais consacré un principe de sécurité juridique. Arrêt CJCE 8 avril 1976, Dlle Defrenne c. [...]
[...] Après avoir refusé à maintes reprises de moduler dans le temps les effets des revirements de sa jurisprudence, la Cour de cassation se prononce finalement en faveur de la consécration du pouvoir modulateur du juge un pouvoir qui aboutit à la promotion critiquable de la jurisprudence au rang de la loi (II). I. La consécration du pouvoir modulateur du juge A. La confirmation de la solution de la Cour de cassation L'assemblée plénière réitère la solution rendue par la 2e chambre civile de la Cour de cassation le 8 juillet 2004. [...]
[...] La règle énoncée par le juge trouve sa raison d'être dans son application au litige à l'occasion duquel elle a été énoncée. Ce qui justifie et fonde la règle prétorienne dans un système fondé sur la séparation des pouvoirs et la primauté de la loi est la nécessité pour le juge de résoudre le litige qui lui est soumis dans le cas d'une insuffisance de la loi (article 4 du C.C.). La règle prétorienne comprend donc outre sa formulation, son application à l'espèce l'ayant provoquée. [...]
[...] Revet ; la légisprudence La modulation dans le temps des effets des revirements de jurisprudence altèrerait la fonction juridictionnelle et remettrait en cause l'équilibre institutionnel et la séparation des pouvoirs en confondant les fonctions législative et juridictionnelle. La portée normative de la règle jurisprudentielle puise sa légitimité dans son application au litige qui lui est soumis. La règle prétorienne est donc nécessairement rétroactive. B. L'utilisation arbitraire de l'article 6.1 de la CEDH La Cour de cassation utilise se fonde sur l'article 6.1 de la CEDH pour consacrer son pouvoir modulateur. [...]
[...] La Cour de cassation n'ayant pas précisé les critères de la mise en œuvre de la modulation, il convient de s'interroger sur la portée de sa solution. B. Une portée incertaine : l'imprécision des critères de mise en œuvre de la modulation L'assemblée plénière se fonde sur une éventuelle atteinte au droit de la victime à un procès équitable au sens de l'article 6 CEDH en lui interdisant le droit d'accès au juge pour refuser l'application immédiate de la solution nouvelle. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture