« Le juge fait désormais partie intégrante de la vie démocratique ». Le constat ainsi posé par Antoine Garapon souligne la place déterminante occupée par l'institution judiciaire dans les sociétés démocratiques actuelles.
En effet selon Sandrine Roure (docteur en droit à l'université de Saint-Etienne), « les attentes de l'opinion sont tournées vers toutes les institutions qui participent au fonctionnement d'une société dans laquelle le citoyen exerce un droit de regard et de contrôle ».
Le cas du procès pénal est particulièrement révélateur de ce phénomène.
Le principe de publicité des audiences, posé par les articles 306 (pour les crimes) et 400 (pour les délits) du code de procédure pénale, est une garantie essentielle du procès équitable (Art 6§1 Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales) reconnu par le Conseil Constitutionnel et affirmé à de multiples reprises par la jurisprudence et la doctrine.
Concrètement, cela signifie que les portes des palais de Justice sont bien ouvertes et l'accès aux salles d'audience libre pour tout citoyen. Et pourtant, la majorité des français n'a jamais pénétré en leur enceinte. Or, à une heure où la politique pénale du gouvernement se veut plus répressive, il apparaît comme un enjeu inhérent à notre démocratie que nos concitoyens découvrent plus en profondeur la réalité de notre justice, ses enjeux et son fonctionnement.
[...] Ce principe a été atténué par les lois des 2 février 1981 et 11 juillet 1985 qui prévoient des dérogations. Celles-ci concernent l'enregistrement pour une utilisation dans le cadre du procès lui-même sur ordre du président de la cour d'assises (article 308 du CPP), celui de l'audition des mineurs victimes d'infractions sexuelles les plus graves (article 706- 52 CPP) et l'enregistrement des débats judiciaires lorsque ceux-ci présentent un intérêt pour la constitution d'archives historiques de la justice (ce fut par exemple le cas lors du procès de Maurice Papon poursuivi pour crimes contre l'humanité). [...]
[...] La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a affirmé que la publicité des audiences assurait une transparence de l'activité judiciaire envers les citoyens et conduisait à préserver la confiance dans les tribunaux (affaire Erkan Orhan contre Turquie, 1er mars 2007). Or, l'enregistrement des débats judiciaires favoriserait une publicité effective par un accès direct des citoyens à l'information sur l'activité judiciaire. D'ailleurs, dans son ouvrage Le guide de la défense pénale, F. Saint Pierre précise que la pression de l'opinion publique sur la justice est un fait de société, une donnée d'une société libre. Il est illusoire d'en faire abstraction. Mieux vaut l'affronter de face. [...]
[...] Le procès pénal est un produit attractif pour les médias qui recherchent l'audience qu'il serait susceptible de leur procurer. Il s'agit là de deux logiques plutôt différentes et c'est pourquoi un cadre disciplinaire relativement strict devra être respecté afin que les deux pouvoirs puissent fonctionner correctement dans leurs relations. D'autre part, un effet pervers non négligeable de l'introduction des médias audiovisuels au sein des débats judiciaires risque d'être celui de la renonciation de certains justiciables d'intenter des actions en justice pour ne pas voir leur affaire diffusée, or on peut se demander si la simple anonymisation des acteurs suffirait à les rassurer. [...]
[...] Or, le montage et le choix des extraits seraient laissés à la responsabilité des médias. Il s'agit là d'un risque d'atteinte à la présomption d'innocence difficilement réparable. En effet, bien que les éventuels manquements soient sanctionnés selon le droit de la responsabilité cela ne permettrait pas d'effacer les effets de la diffusion des images sur l'opinion publique. De plus, selon le rapport Linden, l'un des objectifs de cette diffusion des débats judiciaires, au-delà de l'élargissement du principe de publicité, était une sorte d'éducation des citoyens afin de leur permettre de connaître le fonctionnement de l'institution judiciaire et donc de leur donner les clés pour comprendre ce qui s'y passe. [...]
[...] Le rapport Linden a proposé d'imposer du matériel discret aux médias présents dans la salle d'audience, mais la taille de la caméra elle réellement une importance dans l'esprit de l'individu s'exprimant sous son œil ? Il y a fort à penser que la simple conscience de sa présence peut suffire à troubler le comportement des acteurs et donc le déroulement du procès, voire la manifestation de la vérité. Ainsi, si la situation actuelle n'est pas satisfaisante, les risques liés à l'enregistrement des débats judiciaires pour le respect des principes fondamentaux du procès pénal nécessitent d'étudier avec la plus grande précaution l'éventualité d'une autorisation. [...]
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