Cour de Cassation, assemblée plénière, le 31 mai 1991, procréation, gestation, autrui
L'adage ‘Mater semper certa est ' tolère quelques exceptions en droit français : accouchement sous X, filiation adoptive. Cependant, en l'absence de loi régulant les pratiques de la maternité de substitution et de la gestation pour autrui, dans le débat se développant en France sur les rapports conflictuels entre le droit, la biologie et la morale, le juge a démontré son attachement profond à cet adage en sanctionnant catégoriquement le recours à une tierce personne lors de la procréation (dons de gamètes exceptés et par ailleurs méticuleusement régulés par les lois de bioéthique).
C'est la dérogation à cet adage fondamental du droit français par la Cour d'appel de Paris qui a conduit la Cour de Cassation à se réunir en assemblée plénière, le 31 mai 1991, pour trancher la question épineuse de la procréation et gestation pour autrui.
[...] En se contentant de l'invoquer ici, on peut penser que l'assemblée plénière veut montrer que ce principe est en effet entré dans la jurisprudence constante de la Cour en matière de mœurs. Cela laisse entrevoir une certaine sacralisation du corps humain, bien que dans les faits de nombreux exemples paraissent contrevenir au principe (rémunération des nourrices au 19ème siècle ou participation rémunérée aux études cliniques). Dans son commentaire de la décision de 1989[6], M. Sériaux avait noté que le sens moderne de l'expression hors du commerce était hors de toute transaction c'est-à-dire indisponible. [...]
[...] Cependant, en l'absence de loi régulant les pratiques de la maternité de substitution et de la gestation pour autrui, dans le débat se développant en France sur les rapports conflictuels entre le droit, la biologie et la morale, le juge a démontré son attachement profond à cet adage en sanctionnant catégoriquement le recours à une tierce personne lors de la procréation (dons de gamètes exceptés et par ailleurs méticuleusement régulés par les lois de bioéthique). C'est la dérogation à cet adage fondamental du droit français par la Cour d'appel de Paris qui a conduit la Cour de Cassation à se réunir en assemblée plénière, le 31 mai 1991, pour trancher la question épineuse de la procréation et gestation pour autrui. En l'espèce, Mme Y étant atteinte de stérilité irréversible, M. son mari, et elle-même ont eu recours à une mère porteuse inséminée avec les gamètes de M. [...]
[...] Le problème semble avoir été résolu par la loi du 26 juillet 1994, qui en interdisant expressément gestation pour autrui et maternité de substitution met un point d'honneur à ce que le corps de la femme ne soit sous aucun prétexte objet de convention, soient-elles verbales, comme l'affirmait l'arrêt de 1989, ou même gratuites, comme précisé par la décision du 31 mai 1991. B. L'indisponibilité de l'état des personnes L'état est la situation de la personne en droit privé, telle qu'elle résulte des éléments pris en compte par le droit en vue de lui accorder des prérogatives juridiques[7] Le principe d'indisponibilité de l'état des personnes, invoqué de manière si générale par la Cour de Cassation dans le présent arrêt, n'est pourtant pas d'une évidence flagrante à en juger par la jurisprudence antérieure. [...]
[...] La maternité de substitution, une pratique confrontée à l'absence de règles la régissant La maternité de substitution n'est pas une invention des temps modernes : récits bibliques et témoignages ethnographiques en attestent, elle a toujours existé. La procréation médicalement assistée en revanche, qui émerge au début des années 1980, va radicalement changer la donne en médicalisant la maternité de substitution. Le pionnier de cette pratique en France, le médecin Sacha Geller, s'est faufilé dans les lacunes du droit français en mettant au point un système ingénieux allant de la mise en contact du couple stérile avec la mère porteuse jusqu'à l'adoption de l'enfant par la mère sociale le tout au sein de son association, Alma Mater. [...]
[...] L'enfant ainsi conçu a été déclaré à l'état civil sans indication de filiation maternelle, seul M. Y l'ayant reconnu. Mme Y a par la suite entreprit une démarche à fin d'adoption plénière de l'enfant. Après avoir été déboutés par les juges en première instance, les époux Y ont eu gain de cause devant la Cour d'appel de Paris, qui, dans son arrêt du 15 juin 1990, a jugé qu' en l'état actuel des pratiques scientifiques et des mœurs, la méthode de maternité substituée doit être considérée comme licite et non contraire à l'ordre public ; [que] cette adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant qui a été accueilli au foyer de M. [...]
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