Selon le Conseil État, la loi relative à l'égalité professionnelle ne fixe qu'un objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans la composition des jurys de concours de la fonction publique. En aucun cas, la considération du sexe devra prévaloir sur celle des compétences, des aptitudes et des qualifications.
Ce faisant, le juge administratif interprète la loi conformément à une réserve d'interprétation « par ricochet » formulée par le Conseil constitutionnel à l'occasion du contrôle d'une disposition législative rédigée en termes identiques.
Toutefois, le Conseil d'Etat juge implicitement que l'autorité de chose jugée attachée aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif d'une déclaration de conformité d'une loi à la Constitution, et en particulier aux réserves d'interprétation, ne s'étend pas à l'interprétation d'une autre loi, même rédigée en termes analogues.
M. Lesourd, candidat malchanceux au concours interne pour le recrutement des maîtres-assistants des écoles d'architecture, demande au Conseil d'État l'annulation des résultats du concours. Il invoque notamment la non conformité de la composition du jury aux règles régissant l'organisation des concours de la fonction publique.
[...] En outre, selon Monsieur le Professeur Fabrice Melleray agrégé en droit public, concernant la loi du 9 mai 2001 et son décret d'application du 3 mai 2002, le Conseil d'Etat « les a en fait en substance réécrits, transformant des normes en simples objectifs » ce qui peut sembler plus que troublant et remettant presqu'en cause la théorie de séparation des pouvoirs, notamment entre l'autorité judiciaire et de l'organe législatif pour la loi et l'organe exécutif pour le règlement. En effet il est possible de considérer ici que le Conseil d'Etat, vienne empiéter, à la suite du Conseil Constitutionnel sur un domaine qui n'est pas le sien. Cela pose donc la question des limites de l'interprétation du juge administratif, jusqu'où peut-il aller, et à quoi doit-il s'en tenir ? La réponse dans le cadre de cette jurisprudence parait difficilement atteignable. [...]
[...] Cette notion d'objectif à atteindre pourrait donc s'apparenter à une sorte d'obligation de moyen à travers laquelle l'administration se doit de tout mettre en œuvre pour respecter l'exigence de l'article 25 de la loi du 9 mai 2001 sans être contrainte de l'atteindre à proprement parler. Contrairement à la notion d'obligation de résultat qui soumettrait l'administration ou plutôt les actes de celle-ci à des sanctions si la représentation équilibrée entre homme et femme n'était pas atteinte. Ainsi l'administration n'est pas selon le Conseil d'Etat dans l'obligation de respecter scrupuleusement un quota homme-femme au sein de la composition des jurys de concours de la fonction publique. [...]
[...] Olson, commissaire au gouvernement lors de la décision du Conseil constitutionnel du 12 janvier 2002 l'a nommé « réserves interprétatives par ricochet » qu'il a décrit comme étant « une réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel, non pas destinée à encadrer l'application d'une disposition dont il est saisi et de lui donner une portée conforme à la Constitution, mais qui vise une disposition déjà entrée en vigueur, insérée dans une loi dont il n'a pas été saisi a priori en temps voulu mais dont il se saisit ultérieurement alors qu'il a à se prononcer sur la constitutionnalité d'une disposition similaire ». Le Conseil d'Etat semble donc avoir estimé à juste titre qu'il ne devait pas appliquer cette réserve car elle était issue d'une décision portant sur une loi différente que celle qu'il avait à examiner, ainsi il s'estime dans ce contexte ne pas être tenu juridiquement de respecter la volonté du Conseil constitutionnel. [...]
[...] Mais cette proportion minimale d'un tiers d'individu minimum de chaque sexe au sein des jurys, si elle n'est pas atteinte ne peut soumettre ni l'administration ni ses actes à des sanctions car comme l'explique le Conseil d'Etat « ses dispositions n'ont, en revanche, pas pour objet et n'auraient pu légalement avoir pour effet de fixer, pour la composition des jurys, une proportion de personnes de chaque sexe qui s'imposerait à peine d'irrégularité des concours ». Ainsi un concours à l'issue duquel cette proportion n'est pas respectée que ce soit pour l'un ou l'autre des deux sexes ne peut absolument pas être annulée, car elle reste un objectif à atteindre plutôt qu'une obligation. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat rejette la demande du requérant. [...]
[...] Emmanuel Aubin (Professeur de droit public à l'Université de Poitiers) souligne par-là, et à juste titre le but pour le Conseil d'Etat d'éviter de perturber au maximum le déroulement des recrutements des fonctionnaires publics. En effet, il est logique de constater qu'imposer la représentation équilibrée des sexes au jurys de concours de la fonction publique entraverait grandement leur fonctionnement, et de plus les obligeraient à faire passer des critères liés au sexe plutôt qu'à la qualité de l'individu, c'est pourquoi le Conseil d'Etat explique que cet objectif de représentation équilibrée « ne saurait faire prévaloir, lors de la composition des jurys, la considération du sexe sur celle des compétences, des aptitudes et des qualifications ». [...]
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