Clauses d'inaliénabilité :
La propriété est définie à l'article 544 du code civil, article qui dispose en effet : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. » De cet article, on en retire le principe selon lequel le propriétaire d'un bien a un droit de disposer librement de son bien (« abusus »). L'« abusus » est considéré comme l'élément caractéristique du droit de propriété : il constitue l'expression la plus complète de ce droit. Le propriétaire peut renoncer à ses autres prérogatives (usus et fructus) en procédant des droits réels à des tiers. En revanche, il conserve toujours le droit de disposer. C'est une prérogative dont il ne peut pas se défaire. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 29 juillet 1998, l'a reconnu et consacré : il a jugé que le droit de disposer librement de son patrimoine est un élément essentiel du droit de propriété et participe de sa valeur constitutionnelle. En vertu de ce droit, le propriétaire peut accomplir des actes matériels ou juridiques qui entrainent pour lui la perte de tout ou partie de son bien. Mais on a un certain nombre de limites apportées à cet « abusus » en lien avec la propriété inaliénable. Ainsi, des clauses d'inaliénabilité sont des limites à la disposition juridique des biens et rendent la propriété inaliénable. Une clause d'inaliénabilité est une stipulation insérée dans un contrat ou un testament interdisant à celui qui reçoit le bien de le vendre. Cela veut dire que cette stipulation retire au propriétaire le droit de disposer juridiquement de la chose. Ces clauses d'inaliénabilité sont fréquentes entre parents et enfants, notamment lorsque des parents donnent la nue-propriété d'un immeuble et en gardent l'usufruit jusqu'à leur mort.
En l'espèce, des époux, par acte du 28 juillet 1982, donnent à leur fils la nue-propriété d'un immeuble en s'en réservant l'usufruit. Ils stipulent dans l'acte que l'usufruit ne s'éteindra qu'au décès du survivant des époux (« l'usufruit ne s'éteindrait qu'après le décès des deux donateurs »), que le bien donné sera inaliénable (« interdiction d'aliéner le bien donné »). L'un des époux donateurs et le fils (la société Sofal), donataire de l'immeuble commun affecté par la clause d'inaliénabilité, étaient cautions solidaires d'une même dette en vertu d'un engagement souscrit par acte en février 1981. Leurs créanciers obtiennent leur condamnation solidaire et font inscrire une hypothèque judiciaire sur l'immeuble. En outre, en 1988, la société créancière fait délivrer un commandement aux fins de saisie immobilière. Le donateur étant décédé, sa veuve et le fils donataire, demandent la radiation du commandement en se fondant sur la clause d'inaliénabilité et son opposabilité à cette société créancière. Après une première instance défavorable au donataire et à sa mère donatrice, ceux-ci interjettent appel. La cour d'appel d'Aix en Provence, dans son arrêt du 11 décembre 1991, les déboute et ceux-ci se pourvoient alors en cassation.
Les auteurs du pourvoi réclament la radiation du commandement aux fins de saisie immobilière. Pour eux, la CA d'Aix en Provence aurait inversé la charge de la preuve. En outre, la clause d'inaliénabilité serait bien justifiée par un « intérêt sérieux et légitime » : celui, pour les donateurs, de bénéficier du droit de retour conventionnel et de voir leur fils devenir nu-propriétaire et non un tiers. A l'inverse, la CA d'Aix en Provence, affirme que la charge de la preuve de « l'intérêt sérieux et légitime » de la clause d'inaliénabilité, incombe à celui qui invoque cette clause. En outre, la CA invoque le fait que « l'intérêt sérieux et légitime » de la clause d'inaliénabilité n'est pas justifié, surtout que les donateurs, en conservant l'usufruit, pouvaient vivre de manière satisfaisante. Finalement, la CA rejette la demande de radiation du commandement de saisie immobilière. Quelles sont les conditions de validité d'une clause d'inaliénabilité ? Qui a la charge de la preuve de « l'intérêt sérieux et légitime » ? Quels sont les effets d'une telle clause notamment sur la saisie immobilière ?
Le 15 juin 1994, la Cour de Cassation casse et annule m'arrêt de la CA d'Aix en Provence du 11 décembre 1991 aux motifs que la CA n'a pas donné de base légale à sa décision en invoquant le fait que « les donateurs s'étaient réservé l'usufruit du bien donné et que ce droit était opposable au tiers acquéreur, n'excluait pas le caractère sérieux et légitime de la clause d'inaliénabilité dont il était soutenu qu'elle avait été stipulée pour garantir à l'usufruitier que le nu-propriétaire serait son fils plutôt qu'un tiers », et qu'elle a violé l'article 900-1 du code civil, en rejetant la demande de radiation du commandement de saisie immobilière « puisqu'il résulte de ce texte que l'immeuble donné ou légué, affecté d'une clause d'inaliénabilité, ne peut faire l'objet d'une saisie tant que cette clause est en vigueur. » En revanche, la cour de cassation reconnait que la CA d'Aix en Provence a bien respecté la charge de la preuve. De cet arrêt, ressortent les conditions de licéité d'une clause d'inaliénabilité (I) ainsi que les effets de ces clauses, une fois déclarées valables (II). C'est tout l'intérêt de l'arrêt.
[...] » La cour de cassation va consacrer ce principe. En l'espèce, les parties au pourvoi invoquaient le fait que la Cour d'Appel d'Aix en Provence a « inversé la charge de la preuve » en disant que c'était les donateurs et le donataire, en l'occurrence les parties au pourvoi, qui devaient apporter la preuve que la clause d'inaliénabilité résultait d'un « intérêt légitime et sérieux ». En effet, selon la cour de cassation, étant donné que la clause d'inaliénabilité déroge au principe de l'abusus, alors « c'est à bon droit que l'arrêt attaqué énonce qu'il appartient à celui qui se prévaut d'une telle clause de justifier de l'intérêt sérieux et légitime qu'il allègue ». [...]
[...] Cela veut dire que cette stipulation retire au propriétaire le droit de disposer juridiquement de la chose. Ces clauses d'inaliénabilité sont fréquentes entre parents et enfants, notamment lorsque des parents donnent la nue-propriété d'un immeuble et en gardent l'usufruit jusqu'à leur mort. En l'espèce, des époux, par acte du 28 juillet 1982, donnent à leur fils la nue-propriété d'un immeuble en s'en réservant l'usufruit. Ils stipulent dans l'acte que l'usufruit ne s'éteindra qu'au décès du survivant des époux (« l'usufruit ne s'éteindrait qu'après le décès des deux donateurs »), que le bien donné sera inaliénable (« interdiction d'aliéner le bien donné »). [...]
[...] » En revanche, la cour de cassation reconnait que la CA d'Aix en Provence a bien respecté la charge de la preuve. De cet arrêt, ressortent les conditions de licéité d'une clause d'inaliénabilité ainsi que les effets de ces clauses, une fois déclarées valables (II). C'est tout l'intérêt de l'arrêt. Les conditions de licéité des clauses d'inaliénabilité : Pour que les clauses d'inaliénabilité soient jugées licites, il faut qu'elles répondent à des conditions de licéité : ainsi, elles doivent justifier d'un « intérêt sérieux et légitime ». [...]
[...] Finalement, la CA rejette la demande de radiation du commandement de saisie immobilière. Quelles sont les conditions de validité d'une clause d'inaliénabilité ? Qui a la charge de la preuve de « l'intérêt sérieux et légitime » ? Quels sont les effets d'une telle clause notamment sur la saisie immobilière ? Le 15 juin 1994, la Cour de Cassation casse et annule m'arrêt de la CA d'Aix en Provence du 11 décembre 1991 aux motifs que la CA n'a pas donné de base légale à sa décision en invoquant le fait que « les donateurs s'étaient réservé l'usufruit du bien donné et que ce droit était opposable au tiers acquéreur, n'excluait pas le caractère sérieux et légitime de la clause d'inaliénabilité dont il était soutenu qu'elle avait été stipulée pour garantir à l'usufruitier que le nu-propriétaire serait son fils plutôt qu'un tiers », et qu'elle a violé l'article 900-1 du code civil, en rejetant la demande de radiation du commandement de saisie immobilière « puisqu'il résulte de ce texte que l'immeuble donné ou légué, affecté d'une clause d'inaliénabilité, ne peut faire l'objet d'une saisie tant que cette clause est en vigueur. [...]
[...] La cour de cassation semble le définir comme un motif « nécessaire » ou « utile », dans un contexte familial particulier. Reste à savoir ce qu'est un motif « nécessaire ou utile ». Selon, la CA d'Aix en Provence, les défendeurs au pourvoi n'ont pas apporté la preuve de cet « intérêt légitime et sérieux » qu'il leur incombait de prouver. Elle en déduit en outre, qu'en conservant l'usufruit, les donateurs s'assuraient une « jouissance paisible la vie durant » et que donc ils n'auraient aucun « intérêt légitime et sérieux » à empêcher le donataire de disposer librement de son droit. [...]
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