Caron fraude
Fraus omnia corrumpit, la fraude corrompt tout. La première chambre civile de la Cour de cassation a du se prononcer sur l'existence d'une fraude dans un arrêt du 20 mars 1985 dit Caron.
En l'espèce, un national américain domicilié aux Etats-Unis souhaite déshériter ses enfants au profit de sa secrétaire. La loi américaine s'applique pour les meubles puisque la loi compétente est la loi du dernier domicile du défunt. Or, celle-ci ne prévoit pas de réserve héréditaire au profit des enfants. Cependant, celui-ci possédait un immeuble en France, la loi française avait donc vocation à s'appliquer ainsi que la réserve héréditaire. Celui-ci a donc décidé de céder son immeuble à une société américaine qu'il a créée et dont il détenait les parts. Son patrimoine comprenait donc les parts de la société. Or, les parts sont considérées comme des meubles, la loi américaine avait donc vocation à s'appliquer. La secrétaire pouvait donc hériter des parts et par ce biais, de l'immeuble, sans que la réserve héréditaire ne joue.
La cour d'appel retient l'existence d'une fraude à la loi. Un pourvoi en cassation est alors formé.
Les demandeurs reprochent à la cour d'appel d'avoir retenu comme élément matériel de la faute, l'utilisation non d'une règle de conflits de lois mais « l'ensemble du système de solution de conflits » en contrevenant à « l'esprit et au but du mécanisme de la fraude à la loi française », d'avoir prononcé la fictivité de la société et d'avoir méconnu le principe de l'autonomie de la volonté.
Le comportement du défunt a-t-il été constitutif d'une fraude ?
La Cour de cassation répond par l'affirmative à cette question mais elle casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel sur un autre fondement. Elle estime qu'il suffit que la règle de conflit soit volontairement utilisée, en modifiant un élément de rattachement, à seule fin d'éluder l'application de la loi compétente pour que la faute soit constituée.
Dans l'arrêt Caron du 20 mars 1985, les juges ont eu à coeur de reconnaître les éléments constitutifs de la fraude (I), et de déterminer une sanction adaptée à celle-ci (II).
[...] Même si les juges ne se sont jamais véritablement prononcés sur la portée de l'inopposabilité, il semble ici qu'ils privilégient tout de même l'inopposabilité partielle puisque la société n'est pas considérée par les juges comme n'ayant jamais existée. Ils considèrent celle-ci comme fictive. La société existe mais n'a pas d'activité sociale propre. De plus, la première chambre civile de la Cour de cassation énonce que cette fictivité est constatée par les juges « pour les besoins et dans les limites de la cause ». Ce qui confirme cette idée d'inopposabilité partielle. La Cour de cassation ajoute qu'elle ne prononce pas la nullité de la société américaine, elle n'en a en effet pas la capacité. [...]
[...] Dans l'arrêt du 20 mars 1985, Caron, la première chambre civile de la Cour de cassation étend le champ d'application de la fraude à la loi. En effet, en l'espèce, ce n'est pas le critère de rattachement qui a été manipulé mais la catégorie juridique de rattachement. Monsieur Caron a en l'espèce « transformé » un bien immeuble en meuble afin que sa loi nationale soit applicable et non la loi du lieu de situation de l'immeuble. Il a fait en sorte que la question de la succession n'intègre pas la catégorie juridique « succession immobilière » alors que la nature même du bien l'impliquait mais intègre la catégorie juridique « succession mobilière » parce que la règle de conflit attachée à la succession mobilière désignait une loi substantielle n'imposant pas de réserve héréditaire. [...]
[...] Séance 4 : La méthode conflictuelle – Identification de la loi applicable Commentaire d'arrêt : Civ mars 1985, Caron Fraus omnia corrumpit, la fraude corrompt tout. La première chambre civile de la Cour de cassation a du se prononcer sur l'existence d'une fraude dans un arrêt du 20 mars 1985 dit Caron. En l'espèce, un national américain domicilié aux Etats-Unis souhaite déshériter ses enfants au profit de sa secrétaire. La loi américaine s'applique pour les meubles puisque la loi compétente est la loi du dernier domicile du défunt. [...]
[...] L'inopposabilité prive la manipulation frauduleuse d'effet. L'inopposabilité était la sanction la plus forte que le juge français puisse prononcer puisque celui-ci n'a en effet pas le pouvoir d'annuler un acte étranger. Cependant, la question de la portée de cette inopposabilité s'est posée, c'est-à-dire de savoir à l'égard de qui la manipulation est inopposable. On s'est demandé si elle devait être totale et donc la constitution de la société et la cession de l'immeuble à celle-ci seraient considérées comme non existantes à l'égard de tous ou si elle devait être partielle et qu'elles produisent tous les effets naturels de cette création et de cette cession sauf l'application de la loi américaine. [...]
[...] On peut donc dire que les juges ont voulu élargir la notion de fraude à la loi. Il y a une véritable volonté de déjouer ces fraudes. Cependant, le fait de manipuler une catégorie juridique de rattachement ou un critère de rattachement ne suffit pas à caractériser la fraude à la loi. La volonté d'échapper aux dispositions de la loi compétente comme élément subjectif de la fraude Pour être constituée, la fraude doit aussi comprendre une intention frauduleuse. Il s'agit là d'un élément subjectif. [...]
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