La chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 30 janvier 2019 vient redéfinir les contours de l'exercice du droit de rétention immobilier. Elle apporte ainsi une précision importante concernant les conditions dans lesquelles un droit de rétention peut être constitué.
L'occupation d'un immeuble par la fille des acquéreurs, peut-elle être assimilée à un dessaisissement volontaire faisant perdre le droit de rétention les parents créanciers ?
Le droit de rétention sur un bien immobilier peut-il constituer un obstacle à la vente de celui-ci ?
La solution de cet arrêt permet aux juges de la Cour de cassation de poser les conditions d'exercice du droit de rétention immobilier (I) et de faire reporter ce droit de rétention sur le prix de vente par application de l'article L642-20-1 du Code de Commerce (II)
[...] La solution de cet arrêt permet d'admettre que le droit de rétention immobilier n'empêche pas le liquidateur de demander la réalisation de l'immeuble au juge-commissaire, et c'est après que l'autorisation soit délivrée que le rétenteur de l'immeuble, dans le cas présent la fille des créanciers, libèrera les lieux et rendra les clés puisque ses parents, créanciers de la procédure de liquidation , seront remboursé sur le prix de vente de l'immeuble. L'avant-projet de réforme des suretés présenté par l'association Henri Capitant doit être utilisé comme base lors des prochaines réformes de droit des suretés. Bien qu'il propose d'étendre le bénéficie d'attribution judicaire à tous les créanciers titulaires de suretés en liquidation judiciaire, aucune modification des dispositions concernant le droit de la rétention n'est envisagée pour le moment. [...]
[...] L'article invoqué dispose ainsi que « Le droit de rétention se perd par le dessaisissement volontaire ». Pour opposer un droit de rétention, le créancier doit conserver la détention du bien, c'est-à-dire, qu'il doit exercer et conserver une emprise physique et matérielle sur le bien. En l'espèce, le liquidateur avance le fait que l'immeuble n'était pas occupé par les créanciers eux-mêmes, mais par leur fille, suite à un « mandat d'occupation » signé chez un notaire. Le liquidateur avance également le fait qu'un mandat d'occupation ne peut avoir pour objet que des actes juridiques et non des actes matériels de jouissance ou d'occupation, en l'occurrence, l'occupation de l'immeuble qui est un acte matériel de jouissance ne peut pas être l'objet du mandat. [...]
[...] Cependant il n'est pas exclu que le législateur s'empare de cette question dans les années à venir. [...]
[...] Si les juges du fonds avaient fait droit aux demandes du liquidateur, la cour d'appel de Toulouse dans un arrêt du 3 juillet 2017 répond par la négative et retient que la fille du couple d'acquéreurs est occupante de l'immeuble « du chef et pour le compte de ses parents », bénéficiaires d'un droit de rétention en application de l'article 2286 du Code Civil. En effet, les parents détenaient les clés de l'immeuble, ils avaient eux-mêmes souscrit une assurance et ils s'y rendaient fréquemment. De plus dans un acte notarié, ils avaient confié à leur fille un mandat d'occupation de l'immeuble. Le liquidateur forme donc un pouvoir en cassation au motif que la cour d'appel a violé l'article 2286 du Code Civil puisque par application de cet article, le droit de rétention se perd par le dessaisissement volontaire du bien. [...]
[...] En admettant que les acquéreurs étaient légitimes à exercer leur droit de rétention par l'intermédiaire de leur fille, les juges de la Cour de cassation rejette la possibilité de l'exclusion des occupants et le paiement d'une indemnité d'occupation. La possession du bien reste entre les mains de la fille qui agit au nom et pour le compte de ses parents-créanciers. Cette rétention corpore alieno (pour autrui) est ainsi défini par l'article 2255 du Code Civil qui dispose que « La possession est la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom ». [...]
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