Participation de l'associé, prohibition clause léonine
La société se définit avant tout par la constitution d'un pacte social. Selon l'article 1832 du Code civil, la société doit être instituée par deux ou plusieurs personnes. Ces dernières « conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter » et s'engagent à contribuer aux pertes de la société. Cet élément, révélant une nécessité de partage tant à l'égard des bénéfices que des pertes, est une règle majeure de gestion d'une société.
En l'espèce, il s'agit la création d'une société en nom collectif assortie de clauses spécifiques entre deux associés, lesquels cédaient successivement leurs parts respectives à de tiers associés. Une société en nom collectif était constituée par les époux Martin (M) et monsieur Cristiani (C ). Les deux associés en nom imaginent un dispositif, une convention d'attribution forfaitaire de bénéfices, par lequel l'un d'entre eux, C, abandonne tous les bénéfices correspondant à ses parts sociales, moyennant le versement par le second associé, M , d'une redevance mensuelle forfaitaire indexée sur la moyenne arithmétique du prix de vente des articles du fonds. Le pacte social fonctionne pendant plusieurs années sans aucunes difficultés. Néanmoins, lorsque C, bénéficiaire de la clause, décide de céder ses parts à un tiers, nouvel associé, Monsieur Schaeffer (S), ce dernier ne s'inquiète pas du caractère curieux de la clause et obtient de M la confirmation écrite de son adhésion au pacte.
Les difficultés interviennent dès lors que l'associé M cède ses parts à son tour à un nouvel associé époux Padavano (P). Ce dernier refuse de payer la redevance forfaitaire et engage une action afin d'obtenir que la clause litigieuse soit réputée non écrite. Mécontents, les associés contre attaque. Ainsi l'associé S demande validation de la clause litigieuse afin de poursuivre avec l'associé P les relations antérieurement établies entre M et C. Cependant à défaut d'une telle validation, S demande que soit prononcée la nullité de la cession de parts et la condamnation de C à lui rembourser le montant de la cession de parts.
Le tribunal saisi a fait valoir que la convention était inopposable à P. Les juges du fond ont également prononcé la restitution de la cession intervenue entre S et C et ont de ce fait obligé ce dernier ainsi que M à restituer à S le prix de la cession. Dans un premier temps, M a fait appel, mais s'en est désisté au profit de P. Par la suite, S a formé un pourvoi en cassation. Ce dernier fait principalement grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité de la convention et d'avoir, de ce fait, rejeté toutes ses demandes d'indemnisations.
Il s'agit de savoir si une convention conclue entre deux associés d'une société en nom collectif dans le but d'attribuer à l'un d'entre eux une rémunération forfaitaire pré-calculée en contre partie d'une renonciation au juste partage de l'économie résultant de la société est licite. En d'autres termes, si la clause invoquée revêt un caractère léonin.
La Cour de cassation répond par la négative, considérant qu'une telle clause, dont l'objet est une « délégation forfaitaire de bénéfices », n'avait pour effet que d'assurer en toute circonstance à son bénéficiaire la certitude d'un profit quand bien même la société générerait des pertes qui seraient à la charge totale de l'autre associé. Une telle clause revêtait donc une nature léonine et devait être, en conséquence, considérée comme non écrite et devient nulle d'effet.
Par conséquent, il s'agit de montrer la nécessaire prohibition des clauses léonines eu égard au profond déséquilibre qu'elle engendre (I), avant d'analyser les conséquences d'une telle nullité sur l'existence même de la société, notamment lorsque celle-ci a été l'objet de multiples cessions de parts et d'une succession d'associés (II).
[...] En l'espèce, la Cour de cassation considère que la convention constituait une atteinte au pacte social puisque l'associé renonçait à sa part de bénéfice. De ce fait, il en ressort l'absence du caractère solidaire quant à l'économie résultant de la société. En outre, au vu de l'article 1844-1 alinéa 2 du Code civil, le fait de s'exonérer totalement des pertes est prohibé car il y a alors absence de contribution aux pertes de l'associé visé par la convention. C'est à ces justes motifs que la Haute juridiction rejette le pourvoi. [...]
[...] Cependant à défaut d'une telle validation, S demande que soit prononcée la nullité de la cession de parts et la condamnation de C à lui rembourser le montant de la cession de parts. Le tribunal saisi a fait valoir que la convention était inopposable à P. Les juges du fond ont également prononcé la restitution de la cession intervenue entre S et C et ont de ce fait obligé ce dernier ainsi que M à restituer à S le prix de la cession. [...]
[...] Une promesse unilatérale de rachat des titres souscrite au profit d'un bailleur de fonds ne constitue pas une clause léonine, car elle laisse supporter au bénéficiaire un risque de dépréciation ou de disparition des actions. Au vu, de ces différentes jurisprudences, la solution adoptée en l'espèce s'avère quelque peut sévère et contestable. Certes, la clause n'exonère pas son bénéficiaire de toute perte mais la clause exclut son bénéficiaire, sinon de toute rémunération, du moins de toute participation aux bénéfices, puisque sa rémunération est limitée par un forfait. C'est sans doute par ce dernier motif que la Cour de cassation a jugé bon de réputer la clause non écrite. [...]
[...] Par conséquent, en l'espèce, par la clause l'associé renonçait à sa part de bénéfice mais ne mettait pas à la charge du coassocié la totalité des pertes. De ce fait, la contribution aux pertes n‘était pas exclut. En outre, le créancier peut faire payer les associés quels que soient les résultats, dès lors que leurs poursuites contre la société sont restées inopérantes (L. no 66-537, art al. celui-ci peut demander personnellement paiement de la dette sociale à l'un quelconque des associés. [...]
[...] Il apparait qu'une clause léonine n'emporte pas nullité de la société la solution adoptée, en l'espèce, est discutable L'avenir d'une société entachée d'une clause léonine Si une clause est jugée comme léonine, comme en l'espèce, les juges vont soit appliquer la sanction spécifique prévue à l'article 1844-1 alinéa 2 et annulent tout simplement la clause ; soit ils annulent tout le contrat de société, au motif que la répartition des bénéfices et des pertes en est un élément constitutif. Cette nullité aurait des conséquences importantes puisque la société serait de fait mise en liquidation. Pour choisir quelle sanction appliquer, les juges vont examiner la volonté des parties. [...]
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